Lorsque le salarié a commis un fait que son employeur estime fautif, le droit disciplinaire s'applique. C'est notamment le cas lorsque le salarié a commis un vol au préjudice de son employeur. Le droit disciplinaire suscite un large contentieux, la qualification donnée par l'employeur aux faits fautifs étant souvent contestée par le salarié. C'est ce dont traite l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 3 mars 2004 mettant en cause la société Carrefour France et l'une de ses salariées, Mme Le Péru.
En l'espèce, Mme Le Péru, salariée de la société Carrefour depuis le 9 août 1981, a été licenciée pour faute grave le 26 décembre 1997. Elle avait en effet commis un vol de marchandises au détriment de son employeur.
En appel, la Cour de Paris a décidé, dans un arrêt du 8 janvier 2002, que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais que la qualification de faute grave retenue par l'employeur était toutefois disproportionnée. Il est important de noter que le tribunal correctionnel avait antérieurement jugé que le vol commis par la salariée était caractérisé, ce jugement ayant autorité de chose jugée au civil.
[...] Il ne s'agit pas là de justifier le vol, puisque sa commission a été établie pénalement, mais de justifier une protection du salarié en lui accordant son droit à des indemnités de licenciement plus élevées en écartant la qualification de faute grave. Ainsi, la Cour de cassation offre aux juges civils la possibilité d'apprécier la faute ainsi que celle de la déqualifier alors même que le vol a été établi par le juge pénal et qu'il était de principe que ce type de vol, commis au préjudice de l'employeur, constituait une faute grave. [...]
[...] En l'espèce, elle retient notamment l'ancienneté de la salariée, la modicité du produit du vol et la satisfaction de ses supérieurs quant à la qualité de son travail. Cela paraît justifié, notamment, comme nous l'avons dit, dans une mesure de protection de la salariée. Mais cette décision remet en cause, indirectement, le principe de l'autorité de chose jugée au pénal. En outre, cela conduit à se demander comment va évoluer le pouvoir disciplinaire réservé à l'employeur B L'avenir du droit disciplinaire La déqualification de la faute grave est ici critiquable dans la mesure où, en l'espèce, le vol a été commis délibérément : la salariée avait en effet dissimulé les produits, les avait déconditionnés et s'était enfin débarrassée des emballages. [...]
[...] Mais elle veut surtout montrer que l'acte de vol, pris en considération de certains éléments, peut être moins grave ; la qualification de faute grave étant inopérante. C'est pourquoi elle donne ici la possibilité aux juges civils d'apprécier la gravité de la faute B Un principe remis en cause Bien qu'elle pose le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal, la Cour de cassation le remet toutefois en cause dans cet arrêt du 3 mars 2004. Bien sûr, elle ne le fait pas clairement, mais plutôt par des moyens détournés. [...]
[...] Le problème ainsi posé à la Cour de cassation était de savoir si le juge prud'homal pouvait apprécier la qualification de la faute. Plus précisément, il lui était demandé si le licenciement de la salariée reposait bien sur une cause réelle et sérieuse, et si le vol commis par la salariée constituait une faute grave, comme l'avait retenu son employeur. Pour la Haute juridiction, il est possible au juge prud'homal, sans pour autant écarter la chose jugée au pénal, d'apprécier la qualification de la faute retenue par l'employeur. [...]
[...] Il nous faut également rappeler que le licenciement pour perte de confiance est prohibé et cela appuie la décision de la Haute juridiction. Cet encadrement du pouvoir disciplinaire appelle cependant des interrogations. S'il est normal que les juges déqualifient une faute qui n'est pas réellement grave, il paraît moins logique qu'il le fasse en cas de vol commis au préjudice de l'employeur. Dans cette optique, le pouvoir disciplinaire de l'employeur se trouve amoindri et l'on peut se demander quelle sera son évolution avec un tel encadrement. [...]
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