Le concept de « l'île de la Tentation » est simple : quatre couples participent à une émission de téléréalité en suivant un acte intitulé « règlement participants ». Cette émission consiste à tester les sentiments amoureux des participants lors d'un séjour de 12 jours durant lesquels ils sont filmés quotidiennement, et qu'ils partagent avec des célibataires de sexes opposés. De plus, il est stipulé qu'à l'issue de l'émission, il n'y a ni gagnant ni prix. En contrepartie, la société de production prend en charge les frais d'hébergement, les billets d'avion, les frais de repas et leur verse 1525 euros pour le tournage en guise de montant minimum des royalties.
Le tournage fini, les participants saisissent la juridiction prud'homale : en effet, ils estiment que l' « émission » était un « vrai travail », qu'ils ont été traités comme des acteurs, et demandent alors à être payés en conséquence. En d'autres termes, ils veulent voir requalifier le « règlement participants » en contrat de travail à durée indéterminée afin d'obtenir le paiement de rappels de salaires et heures supplémentaires ainsi que des indemnités et dommages et intérêts consécutifs à la rupture.
Dans un jugement du 30 novembre 2005, le Conseil de prud'hommes a rejeté la qualification de contrat de jeu avancée par la société de production au profit de la qualification de contrat de travail à durée déterminée en raison de l'existence d'une activité professionnelle, d'une rémunération et d'un lien de subordination. La société de production interjette alors appel. Elle énonce que les activités exercées étaient agréables et exclusives de tout travail manuel, artistique ou intellectuel, les participants devant suivre des règles simples dans un but purement personnel et non professionnel, de sorte qu'il ne pourrait être déduit une quelconque activité professionnelle.
[...] Mais ce critère permet de tracer la frontière entre les prestations de travail bénévole et le contrat de travail. En l'espèce, il était prévu que les candidats bénéficient d'avantages en nature comme la prise en charge de leur billet d'avion, leur hébergement, les repas, les activités sportives, et que ces avantages en nature ainsi que la somme de 1525 euros constituent en réalité un salaire. Comme le souligne David Feldman, avocat à la cour, les juges ont retenu que le versement de la somme de 1525 euros avait pour cause le travail exécuté (JCPG septembre 2009) Ainsi, pour la Cour d'appel, cela constituait un salaire venant en contrepartie du travail fourni. [...]
[...] L'affiliation au régime général de sécurité sociale n'est pas le résultat d'un choix, mais est commandé par la qualification juridique de l'activité envisagée. Il existe un lien entre la qualification d'activité salariée, de contrat de travail, et cette affiliation. Selon Gwennhaël Francois, avocat, si la Cour n'avait pas retenu la qualification de contrat de travail, mais celle de contrat innommé dont la prestation caractéristique consiste en un non-travail révélant la vie personnelle du participant la société de production serait simplement condamnée à verser aux participants une indemnité compensatrice pour atteinte à la dignité de la personne humaine (JCP S 2009 n°1196). [...]
[...] La société de production interjette alors appel. Elle énonce que les activités exercées étaient agréables et exclusives de tout travail manuel, artistique ou intellectuel, les participants devant suivre des règles simples dans un but purement personnel et non professionnel, de sorte qu'il ne pourrait être déduit une quelconque activité professionnelle. La Cour d'appel de Paris, le 12 février 2008, qui, après avoir caractérisé l'existence d'une prestation de travail, d'une rémunération et d'un lien de subordination condamne la société de production à allouer d'importantes sommes d'argent aux participants au titre des heures supplémentaires, des congés payés, mais aussi pour licenciement irrégulier et pour rupture abusive, et aussi pour travail dissimulé. [...]
[...] La Société de Production, appelée désormais employeur, devra donc verser aux participants, appelés désormais salariés, des indemnités concernant les heures supplémentaires. Les salariés ont travaillé 12 jours d'affilés. Ce travail porte alors atteinte à l'article L3132-1 du Code du Travail qui dispose que les salariés doivent avoir un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives. En l'espèce, l'employeur devra alors verser, en plus des indemnités concernant les heures supplémentaires, des indemnités de congés payés. L'article R3135-1 du Code du Travail dispose que le fait de ne pas attribuer à un salarié le repos quotidien mentionné aux articles L3131-1 et L3132-2, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe . [...]
[...] En définitive, pour la cour d'appel, être soi devant les caméras relève d'une relation de travail. Cependant, le Professeur Morvan a une conception différente du travail, car au contraire, pour lui, être soi n'est pas l'objet possible d'un contrat de travail De plus, le contrat de participant stipulait que la participation des candidats avait une fin personnelle, et non professionnelle : la perpétuation sous l'œil de la caméra, en restant naturel et spontané, de son mode de vie privé en livrant son intimité au public Cependant, on ne peut que regretter que la Cour ne se soit pas prononcée sur ce point, qui faisait parti du pourvoi de la société de production. [...]
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