Le 29 janvier 2003, la chambre sociale de la cour de cassation vient, dans un arrêt de principe, apporter une nouvelle définition de l'établissement distinct en ce qui concerne les délégués du personnel. L'élection de représentants du personnel à partir d'un certain seuil a trait à l'ordre public social. Mais encore faut-il déterminer le cadre de l'implantation de cette représentation : plusieurs unités sont envisageables, l'entreprise bien sûr si elle ne comporte qu'un seul établissement. Mais une entreprise peut se composer de nombreuses unités, et chacune de ces unités comprend un certain nombre de salariés. Ces salariés, formant une communauté de travail, doivent dès lors être représentés pour la défense de leurs intérêts à ce niveau. Pour ce faire, le Code du travail met l'entreprise entre parenthèses pour s'attacher à la notion d'établissement distinct, qui constitue le cœur de notre arrêt.
En l'espèce, des délégués du personnel d'une société (Dalkia) ont été élus au sein de quatre établissements distincts (Centre de direction régionale / Centre de région Picardie / Centre Haute-Normandie / Centre Basse-Normandie). Par la suite, l'employeur a, par une délégation de pouvoir, attribué des plus larges pouvoirs au seul directeur de région et non plus aux directeurs de tous les centres. Et, à l'occasion du renouvellement des mandats, l'employeur a proposé que l'élection soit organisée dans un établissement unique (La région Normandie-Picardie) lors de l'élaboration du protocole préélectoral. Le syndicat (FO Normandie-Picardie Dalkia groupe Vivendi) a demandé au Tribunal d' Instance de Rouen que soient reconnus quatre établissements distincts pour l'élection des délégués du personnel de Dalkia.
Les juges suprêmes sont alors confrontés à la question de savoir si, lorsque les salariés d'une région partagent des intérêts communs et travaillent sous une direction unique, on peut malgré tout reconnaître plusieurs établissements distincts pour l'élection des délégués du personnel.
[...] Le syndicat a donc formé un pourvoi en cassation examiné par la chambre sociale le 29 janvier 2003. Ce pourvoi naît car le tribunal d'Instance a refusé de reconnaitre 4 établissements distincts aux motifs: - d'une part que chaque région est composée de salariés ayant des intérêts communs, et travaillant sous une direction unique, voulant ainsi démontrer que l'unité de représentation peut être celle de la région. - ensuite qu'une délégation de pouvoirs en faveur du directeur de région lui a conféré compétence en matière de ressources humaines, hygiène et sécurité. [...]
[...] La chambre sociale de la Cour de cassation vient casser la décision du Tribunal d'Instance en premier ressort. Elle affirme qu'il importe peu que les différents établissements semblent former au regard des juges de première instance un groupe de salariés aux intérêts communs. Certes, les salariés des différents établissements partageront des intérêts communs en ce qu'ils travaillent au sein d'une même entreprise donc au sein d'une même structure juridique. Ces différents salariés rencontreront probablement des problèmes communs: mesures mises en œuvre par l'employeur au niveau national ou régional qui affecteront les salariés quel que soit leur établissement. [...]
[...] La seconde justification qui peut être faite de la décision de la Cour de cassation de faciliter la preuve de l'existence d'un établissement distinct est le fait de rapprocher la structure représentative du salarié au sein de l'entreprise. Démocratiser cette représentation salariale. Le salarié n'est plus isolé, le délégué du personnel est présent (au sens propre et au sens figuré) au sein de l'établissement pour défendre ses intérêts et le protéger. Ses intérêts ne sont dès lors plus défendus par un délégué du personnel qui est par exemple au siège à 500 kilomètres du lieu de l'établissement et qui n'a aucune connaissance des problèmes que vivent quotidiennement les salariés. [...]
[...] C'est tout l'enjeu de la reconnaissance de la notion d'établissement distinct. Mais les anciens critères et en particulier celui d'un pouvoir décisionnel du représentant de l'employeur pouvaient paralyser cette reconnaissance. La définition dégagée dans notre arrêt de l'établissement distinct permettant l'élection de délégués du personnel est désormais caractérisée par trois conditions cumulatives : - Le regroupement d'au moins onze salariés ; - Une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des réclamations communes et spécifiques ; - La présence d'un représentant de l'employeur, peu important que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer sur ces réclamations. [...]
[...] Pour autant, on ne peut pas dire que la Cour de cassation ait abandonné l'approche fonctionnelle qu'elle a de la notion d'établissement distinct, c'est-à-dire une définition qui prend en compte les missions et attributions de chaque institution. En effet, d'abord les unités de représentation peuvent toujours être différentes pour les délégués du personnel et les délégués syndicaux tout simplement parce que les seuils d'effectifs exigés ne sont pas les mêmes. Par ailleurs la Cour fait toujours référence aux spécificités des deux institutions dans ces décisions les plus récentes ( on peut comparer Cass. [...]
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