Le comportement d'un salarié dans sa vie privée peut parfois avoir des répercussions sur sa vie professionnelle, pouvant autoriser l'employeur à prendre certaines mesures disciplinaires. Toutefois, un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 28 mars 2006 affirme que lorsque la jouissance d'une liberté fondamentale par le salarié est en cause, la marge de manoeuvre de son employeur pour sanctionner son abus est quasiment inexistante.
En l'espèce, le salarié avait produit « à l'occasion d'une instance » des écrits injurieux à l'égard de son employeur, ce qui avait motivé son licenciement. La Cour d'appel de Paris, dans un arrêt rendu le 20 janvier 2004 a refusé d'annuler ce licenciement. Le salarié s'est alors pourvu en cassation. La chambre sociale de la Cour de cassation a en l'espèce été confrontée à la question de savoir si la production d'écrits injurieux par un salarié à l'égard de son employeur à l'occasion d'une instance était de nature à justifier son licenciement.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 mars 2006, a répondu négativement à cette question, en cassant partiellement l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris, concernant les « dispositions disant que le licenciement de M. X... est nul », et en renvoyant la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.
En effet, visant les articles 41 de la loi du 29 juillet 1881, relative à la liberté de la presse, et L. 120-2 du code du travail, relatif aux restrictions pouvant être apportées aux « droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives », La Cour répond en trois temps au problème de droit posé par le pourvoi du salarié. Tout d'abord, elle considère que « la teneur des écrits produits devant les juridictions, qui relève de la liberté fondamentale de la défense, ne peut connaître d'autres limites que celles fixées par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 ». Ensuite, elle précise que cet article, en plus de prévoir les limites à la teneur des écrits produits devant les juridictions, organise « les seules sanctions possibles » de la méconnaissance de ces limites, à savoir la suppression des écrits incriminés, des dommages-intérêts et une réserve d'action. Enfin, constatant que le licenciement ne fait pas partie des sanctions organisées par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, elle juge le licenciement contesté nul « comme contraire à l'article L. 120-2 du code du travail ».
[...] L'arrêt rendu par la chambre sociale le 28 mars 2006 opère ainsi la première application positive du principe de la nullité du licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale au visa de l'article L. 120-2 C. trav. L'arrêt considère en effet que le licenciement ( . ) est nul comme contraire à l'article L. 120-2 C. trav. L'intérêt de la reconnaissance de la nullité du licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale est majeur. En effet, en cas de licenciement nul, le salarié a droit à réintégration dans son emploi ou, à défaut dans un emploi équivalent, et à une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Soc juillet 2003, Bull. [...]
[...] trav., par la loi du 31 décembre 1992, est venue apporter un large fondement textuel à la nullité du licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale. A la suite de cette adoption, un arrêt rendu par la chambre sociale le 13 mars 2001 est ainsi venu consacrer de manière générale le principe de la nullité du licenciement en cas de disposition prévoyant ou de violation d'une liberté fondamentale Toutefois, en l'espèce, l'article L. 120-2 C. trav. n'a pas été visé, le principe consacré ne recevant pas d'application. [...]
[...] Il est clair que les sanctions prévues en cas de nullité du licenciement sont bien plus avantageuses que celles organisées en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. En effet, les droits du salarié ne sont pas ici cantonnés par la double limite de l'effectif de l'entreprise et de l'ancienneté du salarié, et les réparations prévues en cas de nullité du licenciement sont plus avantageuses que celles réservées aux salariés victimes d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ne pouvant se prévaloir des dispositions de l'article L. [...]
[...] En effet, n'étant pas mentionné parmi les sanctions organisées par l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, le licenciement de M. X . s'est révélé être une sanction non nécessaire et disproportionnée pour sanctionner le salarié dans l'abus qu'il avait fait de son droit d'expression devant les juridictions. Par conséquent, le licenciement a porté directement atteinte à l'exercice de ce droit. Il a donc bien été annulé parce qu'il constituait une violation à l'exercice simple des droits de la défense, et non pas parce qu'il constituait une violation à l'abus dans l'exercice des droits de la défense. [...]
[...] 120-2 du code du travail L'apport de la solution de l'arrêt du 28 mars 2006 est double. En effet, d'une part, la Cour affirme que le licenciement ne peut constituer une sanction applicable en cas d'abus par le salarié dans la jouissance de la liberté fondamentale de la défense, et singulièrement de la liberté d'expression devant les juridictions. Ainsi, elle restreint davantage la possibilité pour l'employeur de fonder un licenciement sur un acte de la vie privée du salarié, qui, si elle est par principe refusée, trouve à s'appliquer lorsque cet acte cause un trouble caractérisé au sein de l'entreprise. [...]
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