L'application du second alinéa de l'article L. 122-12 du code du travail, relatif aux conséquences d'une modification dans la situation juridique de l'employeur, génère un contentieux riche et subtil. L'arrêt Sécurifrance rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 20 décembre 2006 témoigne de cette subtilité dans une hypothèse d'inapplicabilité de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail.
En l'espèce, la société Les Chantiers Navals de l'Atlantique avait confié par contrat à la société Sécurifrance la surveillance d'un de ses sites d'exploitation pour une durée de trois ans. A la suite de la rupture du contrat avant le terme du délai de trois ans, les tâches confiées à la société Sécurifrance ont été confiées à d'autres sociétés. Ces dernières, en application d'un accord collectif du 18 octobre 1995, ont repris une partie du personnel que la société sortante avait affecté aux tâches qui lui étaient confiées. Toutefois, la société sortante estimant que la totalité du personnel devait être repris en application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail, a introduit une demande de dommages-intérêts contre les sociétés entrantes et la société cédante.
Le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, par un jugement du 26 février 2003, n'a pas accueilli la demande de la société sortante, à la différence de la Cour d'appel de Rennes. En effet, celle-ci a accueilli la demande de Sécurifrance par un arrêt du 10 septembre 2004. Les sociétés entrantes et la société cédante se sont alors pourvues en cassation.
Pour accueillir la demande de la société Sécurifrance, et décider ainsi que l'ensemble des contrats de travail des salariés affectés par cette société à l'exécution des tâches qui lui avaient été confiées par la société cédante devait être repris par les sociétés entrantes, la Cour d'appel a considéré la reprise par les sociétés entrantes d' « une partie essentielle en termes de nombre et de compétences des effectifs que la société Sécurifrance affectait à l'exécution du marché », reprise effectuée par application de l'accord collectif du 18 octobre 1995. Cette considération l'a conduite à juger l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail applicable en l'espèce.
La Cour de cassation s'est alors vue confronter à la question de savoir si la reprise partielle du personnel affecté à l'exécution d'un marché prévue l'accord collectif du 18 octobre 1995 caractérisait l'application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail.
A cette question, la chambre sociale a répondu par un attendu de principe général, en indiquant que « ni la perte d'un marché de services au profit d'un concurrent, ni la poursuite par l'entreprise entrante, en application d'un accord collectif qui la prévoit et l'organise, des contrats de travail d'une partie des salariés affectés à ce marché ne caractérisent à eux seuls le transfert d'une entité économique, de sorte que seul l'accord collectif est applicable ». En vertu de cet attendu, la Cour a ainsi jugé que la Cour d'appel avait violé l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail et l'article de l'accord collectif du 18 octobre 1995 prévoyant la reprise partielle de personnel, et cassé l'arrêt de la Cour d'appel.
[...] La reprise de ce marché par une autre société ne peut ainsi constituer une modification dans la situation juridique de l'employeur susceptible de conduire à l'application de l'article L. 122-12, al du code du travail que si elle s'accompagne d'autres éléments propres à caractériser le transfert d'une entité économique au sens du droit communautaire, comme la reprise d'une partie essentielle des effectifs que l'ancien employeur affectait à l'exécution du marché. L'apport essentiel de l'arrêt réside dans le refus de considérer une reprise partielle conventionnelle du personnel affecté à l'exécution d'un marché comme propre à caractériser l'existence d'une entité économique, et donc à justifier l'application de l'article L. [...]
[...] était donc propice à une étude rigoureuse destinée à déterminer le transfert ou non d'une entité économique autonome. La Cour s'est toutefois contentée d'affirmer lapidairement que le transfert d'une entité économique autonome n'était pas caractérisé par la reprise partielle conventionnelle du personnel. L'affirmation lapidaire de l'absence de caractérisation d'un transfert d'entité économique autonome par une reprise partielle conventionnelle de personnel Au-delà de l'hypothèse de la perte d'un marché de services au profit d'un concurrent, qui demeure insusceptible de caractériser le transfert d'une entité économique autonome, la chambre sociale considère dans l'arrêt du 20 décembre 2006 que l'existence d'un accord collectif prévoyant et organisant la poursuite par l'entreprise entrante ( . [...]
[...] s'applique à tout transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise C'est cette définition que reprend l'arrêt du 20 décembre 2006 pour expliquer le champ d'application du principe du maintien des contrats de travail entre le nouvel employeur et le personnel d'une entreprise. Le droit communautaire ne s'est pas borné à énoncer le cas d'application du principe du maintien des contrats de travail entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. Il a également pris le soin de définir ce qu'il faut entendre par entité économique. [...]
[...] Si elle rappelle dans un premier temps les conditions d'application de l'article L. 122-12, al C. trav., qui se résument dans le transfert d'une entité économique autonome, elle affirme ensuite sans plus de détail, qu'une reprise partielle conventionnelle de personnel ne caractérise pas à elle seule le transfert d'une entité économique autonome. C'est pourquoi, nous étudierons dans un premier temps le rappel de la subordination de l'application de l'article L. 122-12, al C. trav. au transfert d'une entité économique autonome que la Cour effectue, puis, dans un second temps, l'affirmation lapidaire de l'absence de caractérisation d'un transfert d'entité économique autonome par une reprise partielle conventionnelle de personnel Le rappel de la subordination de l'application de l'article L. [...]
[...] L'arrêt de la chambre sociale illustre une hypothèse singulière d'inapplication de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code travail, à savoir la reprise partielle conventionnelle du personnel affecté à l'exécution d'un marché. En effet, l'arrêt n'apporte pas de précision nouvelle concernant la question de l'application de l'article L. 122-12, al du code du travail en cas de perte de marché. En affirmant que la perte d'un marché au profit d'un concurrent ne suffit pas à justifier l'application de l'article L. [...]
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