Le caractère partisan qui fonde en partie, mais substantiellement, la composition du conseil de prud'hommes lui a valu d'être plusieurs fois l'objet de la vindicte des justiciables, douteux de l'impartialité de la juridiction, et dont les contestations se sont accrues avec la montée en puissance de l'efficacité de l'article 6.1 de la Convention européenne pour la sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en droit interne. Le conseil de prud'hommes est ainsi non seulement une juridiction fondée sur la controverse de ses membres, mais une juridiction elle-même controversée !
L'arrêt dont il sera question dans ce commentaire est un véritable arrêt de principe sur la question de l'impartialité du conseil de prud'hommes. Cet arrêt a été rendu le 19 décembre 2003 par la chambre sociale de la Cour de cassation. En l'espèce, un salarié conseiller prud'hommes et délégué syndical CFDT s'était vu refuser un congé pour participer à une formation prud'homale par son employeur, la société HLM Mon Logis. Le salarié avait alors demandé l'annulation judiciaire de cette décision et le paiement par provision de dommages et intérêts. L'employeur, quant à lui, avait demandé par requête le renvoi de l'affaire pour cause de suspicion légitime de la juridiction, au motif que deux conseillers prud'hommes étaient affiliés à la même confédération syndicale que celle à laquelle adhérait son salarié. De plus, le syndicat CFDT était intervenu auprès du salarié pour faire sanctionner l'entrave à l'exercice du droit syndical dans l'entreprise Mon Logis, à la suite de plusieurs années de conflit ouvert au public avec celle-ci.
L'affaire, après être passée devant la formation de référés prud'homale, est allée devant la Cour d'appel qui a rejeté l'argumentation de l'employeur, qui s'est alors pourvu en cassation contre le salarié.
[...] La composition tout d'abord du conseil de prud'hommes qui, juridiction paritaire, comprend un nombre égal de salariés et d'employeurs élus. Or, comme le relevait M. Henry, c'est l'affrontement même des deux camps qui garantit l'impartialité de la juridiction Cette impartialité est également garantie par l'interdiction d'accepter un mandat impératif, en vertu de l'article L. 514-6 du code du travail, afin d'éviter qu'une organisation syndicale fasse signer aux conseillers prud'hommes élus sur leur liste une lettre de démission en blanc leur permettant de "les démissionner". [...]
[...] L'affaire fut alors portée devant le tribunal des locations. Sa composition est similaire au conseil de prud'hommes : en effet, celui-ci est composé de deux assesseurs-échevins désignés par des organisations prédominantes en matière de logement et de location, à savoir la Fédération suédoise des propriétaires d'immeubles et l'Union nationale des locataires. Or, dans l'affaire, la clause de renégociation prescrivait que les parties au bail s'engageaient à accepter entre autres le loyer sur la base de l'accord de négociation en vigueur entre, d'une part, une union de propriétaires d'immeubles affiliée à la Fédération et le propriétaire, et, d'autre part, une union de locataires affiliée à l'Union, sachant que l'union de locataires percevait une commission s'élevant à du loyer pour la conduite des diverses négociations. [...]
[...] Keller et T. Grumbach dans le de la revue Droit social de janvier 2006. De tels dysfonctionnements verbaux étant certainement fréquents, l'occasion de parachever cette théorie ne manquera de se présenter. Et il serait heureux pour faire du conseil de prud'hommes une véritable juridiction. [...]
[...] L'arrêt du 19 décembre 2003 apporte ainsi une clarification attendue sur la question en posant le principe de l'impartialité préservée. La théorie de l'impartialité objective de la juridiction prud'homale aurait pu être parachevée par un arrêt rendu le 26 janvier 2005 par la chambre sociale de la Cour de cassation en précisant la conduite attendue des conseillers prud'homaux, notamment en matière de réserve. En l'espèce, le président du conseil de prud'hommes saisi du litige entre Renault France automobile Nord et MM. [...]
[...] Si la décision peut convaincre dans son principe, en ce sens que l'impartialité est jugée de la formation de jugement uniquement, une argumentation circonstanciée aurait été bienvenue. La motivation elliptique est alors regrettable. En effet, l'espèce aurait pu être l'occasion de parachever la théorie de l'impartialité objective de la juridiction prud'homale, en faisant prendre conscience que la dualité même de la fonction prud'homale exige des conseillers une rigueur particulière pour faire la part du militantisme et du Droit comme le notent M. [...]
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