Les usages et les engagements unilatéraux de l'employeur sont des normes professionnelles qui présentent des avantages incontestables : prise en compte plus efficace des situations spécifiques des entreprises, souplesse dans la décision et l'application. Elles participent, selon Alain Supiot, d'une certaine autoréglementation de l'entreprise, qui au-delà de la fonction régulatrice pourrait avoir une fonction sociale d'apaisement des rapports entre employeur et salariés. Toutefois, ces pratiques recèlent aussi de lourds inconvénients, notamment pour les salariés : imprévisibilité, instabilité et finalement une certaine insécurité juridique. Le juge est alors amené à maintenir un juste équilibre, souvent fragile, entre ces avantages et ces inconvénients.
L'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 16 novembre 2005 témoigne de cette mission du juge d'allier souplesse et stabilité des normes, en particulier en ce qui concerne le problème de la dénonciation des usages ou engagements unilatéraux de l'employeur. En l'espèce, le 7 décembre 1995, la SNC Richardot Ottombre a informé ses salariés de la suppression de la prime de 13e mois applicable dans l'entreprise. Cinq salariés de l'entreprise, embauchés respectivement en 1982,1990,1987,1993,1987, ont alors saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement de la prime depuis mai 1995.
A la suite de son déboutement devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence le 13 octobre 2003, qui, après avoir dit que la prime de 13e mois était un « élément contractualisé du salaire, l'a condamnée à payer aux salariés des sommes à titre de rappel de 13e mois de mai 1995 au 31 décembre 2001 avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 1998, la société s'est pourvue en cassation.
[...] Cette absence d'information constitue en elle-même une cause d'irrégularité d'une dénonciation d'usage et nous pensons qu'elle est en effet essentielle à plusieurs égards. C'est pourquoi, dans une première partie, nous étudierons l'importance de l'information des représentants du personnel préalablement à la dénonciation d'un usage Toutefois, dans le cas présent, ces représentants étaient absents dans l'entreprise, ce qui aurait pu faire fléchir, et sans doute à juste raison, le juge. Mais il était inconcevable pour le juge de fermer les yeux sur la carence de l'employeur à organiser les élections des représentants du personnel dans son entreprise, et d'accepter la régularité de la dénonciation, au regard d'une bonne administration de la justice. [...]
[...] La Cour de cassation intègre ses règles dans un ensemble plus vaste sous le nom de statut collectif. La caractéristique principale de ce statut collectif est son autonomie de principe par rapport au contrat de travail. L'un des piliers de cette autonomie est la non- incorporation du statut collectif au contrat de travail. Ce principe de la non-incorporation du statut collectif au contrat de travail a été explicitement affirmé par la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt du 3 décembre 1996 concernant les avantages résultant pour des salariés d'un usage d'entreprise, solution qui peut également être appliquée aux avantages résultant d'engagements unilatéraux de l'employeur, ceux-ci ayant un régime identique à celui des usages. [...]
[...] 481-2 du code du travail, le délit d'entrave est puni d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 3750 ou de l'une de ces deux peines seulement. En cas de récidive, l'emprisonnement pourra être porté à deux ans et l'amende à 7500 Toutefois, en cas d'impossibilité de mettre en place les institutions représentatives du personnel, notamment les délégués du personnel, il est possible à l'employeur de dresser un procès-verbal de carence, conformément à l'article L. 423-18 du code du travail. [...]
[...] Ainsi, il nous semble que l'exigence d'information des institutions représentatives du personnel préalablement à la dénonciation d'un usage, bien que d'origine prétorienne, est fondamentale et ne peut souffrir d'exception que dans les entreprises dont l'effectif est inférieur à 11 salariés et dont les employeurs ont dressé un procès-verbal de carence résultant de l'impossibilité de mettre en place une représentation du personnel malgré l'organisation régulière des élections par l'employeur. En l'espèce, l'employeur était lui-même à l'origine de l'absence de représentation du personnel dans son entreprise. [...]
[...] Dans une petite entreprise dépassant de peu le seuil des onze salariés entraînant la mise en place des délégués du personnel, comme c'était sans doute le cas dans la présente espèce, en quoi les salariés seront-ils mieux renseignés, sur la suppression d'un avantage tel que le treizième mois, par une information donnée aux délégués du personnel s'ajoutant à une information donnée collectivement et individuellement aux salariés eux-mêmes ? Certes, la remarque est pertinente. Toutefois, nous ne la jugeons pas suffisante pour considérer l'exigence d'information des délégués du personnel dans une petite entreprise, préalablement à la dénonciation d'un usage, superfétatoire. En effet, si l'information reste purement formelle et n'équivaut pas à une obligation de consultation, elle s'inscrit dans un délai permettant d'éventuelles négociations C'est sur ces éventuelles négociations que nous voudrions insister pour fonder l'importance de l'information des institutions représentatives du personnel préalablement à la dénonciation de l'usage. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture