Elément d'identification pour certains, norme sociale pour d'autres, le vêtement participe nécessairement de l'expression de chacun dans nos sociétés contemporaines. Parfois reflet de la personnalité et moyen de distinction pour certains, il est aussi un mode d'intégration pour d'autres. Dans ces conditions, comme le souligne Frédéric Guiomard: « Le vêtement se situe à la frontière entre ce qui relève de la vie privée et de la vie publique des individus. Son statut juridique est difficile à cerner ».
C'est précisément sur cette question que portent les problèmes relatifs à la réglementation des tenues vestimentaires au sein de l'entreprise, aux contraintes imposées aux salariés et aux pouvoirs exercés par l'employeur. Dans l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 12 novembre 2008, il est plus spécifiquement question de la confrontation du pouvoir disciplinaire de l'employeur avec les libertés du salarié et, tout au moins, « la liberté de se vêtir à sa guise », puisque celle-ci a été reconnue par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 28 mai 2003.
En l'espèce il s'agit d'un salarié de la société Sagem qui s'était rendu à son travail en bermuda, invoquant la chaleur excessive régnant dans son bureau. Toutefois, cette extravagance n'étant pas du gout de son employeur, celui-ci l'invita à préférer le pantalon. Le salarié en question occupait en réalité un emploi d'agent technique et devait revêtir une blouse blanche selon le règlement intérieur; par ailleurs il était occasionnellement en contact avec la clientèle. Malgré les observations orales et même un courrier écrit du 29 mai 2001 lui rappelant la nécessité d'adopter une tenue plus classique, le salarié s'obstina à se rendre à son travail arborant la même tenue vestimentaire. Ainsi, son licenciement lui fut notifié par lettre du 22 juin 2001 pour « avoir manifesté à l'égard de sa hiérarchie une opposition forte et persistante à l'application d'une consigne simple respectée par l'ensemble des salariés ». De plus, l'intéressé aurait donné à son comportement et à son opposition une publicité décrédibilisant la hiérarchie et aurait fait peser sur la société un risque important de perte d'image de marque auprès des clients de l'entreprise fréquemment présents sur le site.
[...] Ainsi, afin de se prononcer sur la violation de la liberté de se vêtir du salarié, les juges vont-ils devoir opérer un contrôle de proportionnalité. Toutefois en l'espèce, il semble que les justifications, les argumentations présentées par la Cour pour conclure à l'absence de violation de la liberté de se vêtir soient quelque peu superficielles. B - La faiblesse de la justification des restrictions apportées à la liberté de se vêtir L'article L.1121-1 interdit à l'employeur d'apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché Ce texte à l'avantage de permettre au juge d'opérer un contrôle de l'atteinte portée aux libertés et de le moduler en fonction de la situation qu'il doit examiner. [...]
[...] Par la suite et après que la loi de 1992 donnant naissance à l'ancien article L.120-1 a été adoptée, la Cour de cassation a pu admette que tout licenciement qui porterait atteinte à une liberté fondamentale doit être frappé de nullité. Ainsi, dans un arrêt du 13 mars 2001 la Cour de cassation a affirmé que le juge ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, annuler un licenciement Cette théorie de la nullité du licenciement sans texte avait été élaborée par le professeur G. [...]
[...] Dans l'arrêt du 18 novembre 2008, la Cour semble adopter une démarche similaire à celle du juge statuant en formation de référé, elle ne reconnait pas que la liberté de se vêtir puisse être une liberté fondamentale. À première vue il est certain qu'aucun texte ne la mentionne en tant que tel, même s'il aurait été possible de la faire dériver d'une autre liberté fondamentale, comme la liberté d'expression par exemple. Ainsi, la Cour aurait pu considérer que la liberté de se vêtir est une application, un accessoire de libertés qui sont quant à elles plus larges. [...]
[...] Malgré les observations orales et même un courrier écrit du 29 mai 2001 lui rappelant la nécessité d'adopter une tenue plus classique, le salarié s'obstina à se rendre à son travail arborant la même tenue vestimentaire. Ainsi, son licenciement lui fut notifié par lettre du 22 juin 2001 pour avoir manifesté à l'égard de sa hiérarchie une opposition forte et persistante à l'application d'une consigne simple respectée par l'ensemble des salariés De plus, l'intéressé aurait donné à son comportement et à son opposition une publicité décrédibilisant la hiérarchie et aurait fait peser sur la société un risque important de perte d'image de marque auprès des clients de l'entreprise fréquemment présents sur le site. [...]
[...] Ce qui est en cause pour la Cour de cassation, c'est essentiellement l'insubordination dont a fait preuve le salarié. Cette analyse de la chambre sociale semble cohérente, dans la mesure où il ne nous paraît pas souhaitable d'admettre que les salariés puissent exercer leurs libertés dans l‘entreprise, fussent-elles fondamentales, sans limites ni restrictions. En toute hypothèse, ce n'est pas ce que dispose l'article L.1121-1 du Code du travail. Par ailleurs, cette interprétation n'est pas sans rappeler les dispositions de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen qui, si elle reconnait droits et libertés, ne manque pas de condamner leurs abus. [...]
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