L'évolution de la jurisprudence a tendu à attribuer aux employeurs de nouvelles possibilités de licencier des salariés pour motif économique. La construction du droit des licenciements économiques a donc été remise en cause.
C'est ce qu'illustrent ces arrêts rendus le 11 janvier 2006 par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
En l'espèce, la société Les Pages Jaunes, membre du groupe France Télécom, a mis en place un projet de réorganisation commerciale, en novembre 2001. Elle aspirait à s'adapter aux évolutions technologiques de l'information et à assurer la transition entre les produits traditionnels et ceux liés aux nouvelles technologiques. Elle estimait que ce projet était indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
Ce projet soumis au comité d'entreprise prévoyait la modification du contrat de travail sur les conditions de rémunération et l'intégration de nouveaux produits dans les portefeuilles de 930 conseillers, la suppression de 9 postes et un objectif de création de 42 nouveaux emplois.
Le refus de certains d'entre eux de ce projet de réorganisation a conduit la société à les licencier pour motif économique.
[...] Cette notion de réorganisation de l'entreprise sera ensuite reprise dans un arrêt de la Cour de cassation du 5 avril 1995 où il est précisé que celle- ci peut être une cause de licenciement économique si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise. Il n'existe dans la jurisprudence aucun critère fiable permettant de déterminer dans quelles hypothèses l'entreprise peut justifier une mesure de réorganisation dans la nécessité de sauvegarder sa compétitivité. En l'espèce, la Cour de cassation précise la notion de sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise en prenant en compte les exigences de la gestion prévisionnelle des emplois. [...]
[...] En effet, cette loi vise la gestion prévisionnelle de l'emploi par le dialogue social et encourage la gestion de l'adaptation et de la mobilité du personnel par voie d'accord collectif. La Chambre sociale de la Cour de cassation a apporté des précisions sur la question de l'exigence de difficultés avérées au jour du licenciement pour le valider. En l'espèce, la question est résolue : la sauvegarde de la compétitivité peut justifier le licenciement économique sans que l'employeur ait eu à prouver l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement. [...]
[...] Elles ont eu une approche différente de la notion de motif économique. La Cour d'appel de Montpellier, dans son arrêt du 15 décembre 2004, a en effet décidé que la réorganisation avait pour unique objet d'améliorer la compétitivité de l'entreprise et d'accroître les bénéfices, dans un contexte concurrentiel non menaçant. Elle en a conclu que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Quant à la Cour d'appel de Dijon, dans son arrêt du 29 juin 2004, a affirmé que la réorganisation d'une entreprise nécessitée par la sauvegarde de sa compétitivité n'est pas subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement et a conclu que le licenciement était donc fondé sur une cause économique réelle et sérieuse. [...]
[...] La Chambre sociale de la Cour de cassation rend deux arrêts le 11 janvier 2006. Elle casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier et rejette le pourvoi formé par les salariés à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Dijon. Elle rend donc deux arrêts au profit de la société Les Pages Jaunes. Dans les deux arrêts, la Cour de cassation considère que la réorganisation de l'entreprise constitue un motif économique de licenciement si elle est effectuée pour en sauvegarder la compétitivité ou celle du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ; que répond à ce critère la réorganisation mise en œuvre pour prévenir des difficultés économiques liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l'emploi, sans être subordonnée à l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement ; qu'il s'ensuit que la modification des contrats de travail résultant d'une telle réorganisation a elle-même une cause économique Ces arrêts conduisent donc à analyser dans un premier temps, la sauvegarde de la compétitivité étant un motif autonome de réorganisation de l'entreprise puis, dans un deuxième temps, d'étudier la consécration par ces deux arrêts d'une nécessaire anticipation préventive du futur de l'entreprise (II). [...]
[...] En l'espèce, la Chambre sociale de la Cour de cassation considère que le licenciement des salariés qui avaient refusé la modification de leur contrat de travail était donc fondé sur une cause économique réelle et sérieuse. La réorganisation de l'entreprise ayant pour but d'assurer la sauvegarde de la compétitivité a nécessité une anticipation préventive de la part de l'employeur, reconnue par ces arrêts (II). I. La consécration d'une nécessaire anticipation préventive du futur de l'entreprise La nécessaire anticipation consacrée par ces arrêts n'est que la reprise d'un principe établi en matière de droit des licenciements économiques qui s'établit par la possibilité de prévenir des difficultés économiques à venir A . [...]
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