La prohibition de l'engagement perpétuel, notion assimilable à l'esclavage, prend vie dans l'article 1780 du Code Civil qui dispose qu'« on ne peut engager ses services qu'à temps, ou pour une entreprise déterminée » mais que toutefois « le louage de service, fait sans détermination de durée peut toujours cesser par la volonté d'une des parties contractante ». Cette prohibition permet alors au Code du travail d'affirmer que « le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord » (article L1231-1).
Si le Code du travail ne parle pas ici du contrat de travail à durée déterminée c'est que les cas de rupture y sont beaucoup plus rares que dans le CDI, par exemple un salarié sous CDD ne peut ni démissionner, ni prendre acte : « Lorsqu'un salarié rompt le CDD et qu'il invoque des manquements de l'employeur, il incombe au juge de vérifier que les faits invoqués sont, ou non, constitutifs d'une faute grave », et seule une telle faute pourrait justifier la rupture d'un CDD ( Soc, 30 mai 2007 ). Il convient alors de se consacrer au CDI qui lui, dispose de nombreuses possibilités de rupture : licenciement économique ou personnel, retraite, résiliation conventionnelle, prise d'acte ou encore démission.
Si ces deux derniers sont des « ruptures à l'initiative du salarié », parfois la frontière entre eux est difficilement perceptible et cela a amené la chambre sociale de la cour de cassation à juger le 13 décembre 2006 que « la démission d'un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur s'analyse en prise d'acte » mais qu'en est-il du salarié qui démissionne pour d'autre raison et qui la conteste par la suite en invoquant des manquements de son employeur ? La chambre sociale donna une réponse à cette question par quatre arrêts du 9 mai 2007 dont l'un nous est aujourd'hui soumis.
En l'espèce, un salarié a été embauché par la société Citernord le 8 juin 1990 en tant que chauffeur poids lourds, il a démissionné le 6 septembre 2000 par une lettre qui disposait « Je vous informe par ce courrier de la démission de mon poste de travail chez vous en tant que conducteur routier PLG7. Dès réception de cette présente lettre, j'effectuerai les sept jours de préavis, au-delà, je ne ferais plus partie de vos effectifs ». Il a cependant saisi le 23 avril 2002 le conseil des prud'hommes d'une demande de paiement d'un rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires et de repos compensateurs ainsi que d'une indemnité de congés payés afférents et a par la même occasion demandé la requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Saisi en appel du jugement prud'homal, la Cour d'appel de Douai a le 26 novembre 2004 condamné la société Citernord à payé au salarié des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en relevant d'une part que la lettre de démission ne fixe pas les termes du litige et n'empêche pas le salarié de faire état devant les juges de griefs à l'égard de l'employeur ( solution dégagée par la chambre sociale le 5 juillet 2006 ) et d'autre part que le défaut de paiement d'heures supplémentaires constitue de la part de l'employeur un manquement à ses obligations de nature à lui imputer la responsabilité de la rupture et qu'il importait alors peu que la lettre de démission ait été adressée à l'employeur sans aucune réserve et qu'elle ne présente dans ses termes aucun caractère équivoque dans la mesure où, du fait de sa demande ultérieure, qui est fondée, le salarié n'avait pas donné un consentement clair et non équivoque à sa démission.
Se posait alors à la cour de cassation cette question : « Une lettre de démission dépourvue de réserve est-elle susceptible d'une remise en cause de la démission par le salarié ? »
[...] Certains auteurs n'ont pas hésité à critiquer cette décision, Julien Cortot posait alors cette question qui nous semble intéressante : Y il déloyauté à réclamer son dû et à soumettre à une juridiction la validité de son raisonnement ayant conduit à considérer que le comportement de l'employeur justifiait la rupture ? ; position intéressante, dans la mesure où cette notion de demande tardive est une notion inventée pour l'occasion par la chambre sociale et se distingue de toute violation de règle de prescription ou assimilée. [...]
[...] D'abord, la démission est définie dans le premier alinéa de l'attendu de principe et nous l'avons déjà envisagé, il ne sera alors pas nécessaire de revenir dessus. Ensuite, le licenciement sans cause réelle et sérieuse pourrait ici être défini comme une rupture irrégulière du contrat de travail résultant de la faute de l'employeur, de plus ses effets sont indiqués à l'article 1253-3 alinéas 1 et 2 mais dans la mesure où le premier alinéa offre la possibilité de la réintégration du salarié à l'entreprise, il est assez rare que celle-ci soit utilisée puisque justement, le salarié a démissionné ; l'alinéa 2 quant à lui offre au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à la rémunération brute dont il bénéficiait pendant les six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail On comprend alors que l'attrait de cette requalification de la démission en un licenciement sans cause réelle et sérieuse se situe donc dans l'octroi d'une somme conséquente par le salarié. [...]
[...] Après une telle définition de la démission et de ses limites de validité, la chambre sociale entérine la possibilité pour le salarié de demander la requalification de celle-ci en une prise d'acte mettant ainsi au clair un point qui pouvait sembler obscur jusqu'alors. B. De la démission à l'auto-licenciement : l'étape obligatoire de la prise d'acte La Cour de cassation dans cet arrêt Citernord poursuit son raisonnement en indiquant que lorsque le salarié [ ] remet en cause sa démission en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit [ sous conditions l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission Afin de mieux appréhender cette décision, il convient de s'intéresser d'abord aux diverses notions utilisées par le juge de cassation. [...]
[...] En outre, la chambre sociale dans un arrêt du 13 décembre 2006 avait déjà admis que la démission d'un salarié en raison de faits qu'il reproche à son employeur s'analyse en une prise d'acte qui produit les effets, soit d'un licenciement si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire, d'une démission A noter que cette même chambre sociale a récemment indiqué qu'il en allait de même si sept jours après la lettre par laquelle elle lui annonçait sa décision de démission, la salariée avait adressé un courrier à son employeur indiquant que celle-ci était provoquée par le harcèlement moral dont elle faisait l'objet ( 4 juin 2009 Mais la question s'est posée de savoir le 9 mai 2007 si une démission sans indication d'une quelconque faute de l'employeur pouvait être remise en cause et modifiée en prise d'acte qui pourrait alors elle-même prendre la forme d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ou d'une . démission. Par cet attendu de principe, la cour de cassation dit que oui c'est possible : la chambre sociale ne prend en compte aucune obligation de mention de la faute de l'employeur sur la lettre de démission. [...]
[...] En quoi l'affectation de cette notion d'acte unilatéral à celle de la démission contribue à la rendre plus claire ? Cette question mérite d'être posée dans la mesure où dans le communiqué de presse suivant ces arrêts du 9 mars 2007, la chambre sociale justifiait les décisions de cette audience thématique par la clarification des règles applicables à la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié tout en assurant le respect de la loyauté des relations contractuelles des parties On pourrait penser que l'acte unilatéral est présent pour appuyer le fait que la démission du salarié ne requiert aucunement l'acceptation de l'employeur : elle s'impose à lui, c'est sans doute la raison principale. [...]
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