Avec le développement du machinisme au cours du XIXe siècle, le risque d'accidents du travail ou de maladies professionnelles s'est accru. L'Etat, ne pouvant se désintéresser de la protection de la sécurité physique qui touche essentiellement l'ordre public, est intervenu massivement sur la prévention et sur la réparation des salariés victiment en adoptant de nombreux textes législatifs et réglementaires. Cela n'a pas dispensé pour autant la Cour de cassation de contribuer à ce droit de la santé et de la sécurité au travail.
En l'espèce, un magasinier, salarié d'une société, aidait son collègue, préposé à l'entretien, à déplacer un échafaudage métallique sur le côté de l'établissement, comme il en avait l'habitude chaque soir depuis un mois. Cependant, ce 4 juillet 1989, l'échafaudage avait été surélevé le matin même ce que n'ignoraient pas les deux salariés. Au cours de la manoeuvre, l'échafaudage heurta une ligne électrique qui blessa le magasinier. Ce dernier demanda alors une majoration au maximum de la rente qui lui a été due au titre de l'accident de travail dont il a été victime sur le fondement de la faute inexcusable de son employeur.
Le problème qui se pose à la Cour de cassation est le suivant : La faute commise par le salarié, victime d'un accident de travail, peut-elle exonérer l'employeur de sa responsabilité ?
[...] Ainsi, en l'espèce, l'employeur aurait dû prendre les mesures nécessaires contre le risque que faisait peser la présence de la ligne électrique près de l'entreprise. Deuxièmement, en utilisant le terme notamment dans son attendu, l'Assemblée Plénière permet de confirmer que cette obligation de sécurité ne s'applique pas seulement aux accidents de travail, mais qu'elle s'étend aux maladies professionnelles. En conférant une large obligation de sécurité de résultat, l'employeur est plus enclin à voir sa responsabilité engagée sur l'établissement d'une faute. [...]
[...] La Cour de cassation prend le soin de distinguer la faute de l'employeur au visa de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale et celle du salarié au visa de l'article L. 453-1 du même Code. C'est dire que leur définition n'est pas identique. En effet, elle définit la faute inexcusable du salarié comme étant la faute volontaire de la victime d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience Cette définition s'assimile beaucoup avec celle donnée à propos du piéton victime d'un accident de la circulation, dans un arrêt rendu par l'Assemblée Plénière du 10 novembre 1995, suivant laquelle seule est inexcusable la faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience En l'espèce, l'Assemblée Plénière n'admet pas, comme la Cour d'appel d'Amiens, que le magasinier ait commis une faute inexcusable. [...]
[...] Elle apprécie plus strictement la qualification d'une faute commise par le salarié qu'une faute commise par l'employeur. Et cela, en raison de leur définition respective. Comme il a été vu précédemment, la faute du salarié est admise lorsqu'il a commis une faute volontaire d'une gravité exceptionnelle alors que ce critère a disparu dans la définition de la faute inexcusable de l'employeur. Le salarié a donc davantage de faciliter pour récolter des preuves à l'encontre de l'employeur. A l'inverse, ce dernier a plus de difficulté à prouver le critère de l'exceptionnelle gravité de la faute du salarié. [...]
[...] Cette condition de la conscience du danger s'avère difficile à prouver. En l'espèce, pour la Cour de cassation, l'employeur aurait dû avoir conscience du danger lié à la présence de la ligne électrique. Il ne pouvait pas l'ignorer. Le second critère est un critère négatif : l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié contre le danger. Ce qu'il n'a pas fait en l'espèce, notamment au regard des prescriptions du décret du 8 janvier 1965 qui impose des mesures de protection pour les travailleurs du bâtiment. [...]
[...] Certes, l'arrêt rendu a admis une faute du salarié, mais il est étonnant qu'il ne lui reconnaisse pas une faute inexcusable étant donné que le salarié victime a fait preuve de négligence, d'imprudence et d'inattention. Une telle solution de la Cour de cassation risque d'entraîner un abus de la part des salariés d'une entreprise en ne prenant plus les précautions de sécurité nécessaires sachant que leur responsabilité ne sera pas engagée. Ils risquent de perdre tout sens des responsabilités. Et même s'il leur est reconnu une faute inexcusable, au même titre que l'employeur, ils bénéficieront tout de même d'une indemnité complémentaire, mais réduite. [...]
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