L'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 7 juillet 2004, pourtant simple en apparence (il ne possède qu'un seul moyen) invite à réfléchir en réalité sur un point du droit du travail très débattu à savoir l'antagonisme entre le pouvoir disciplinaire de l'employeur et la force du pouvoir contractuel.
En effet, la question qui est posée ici à la Cour de cassation est la suivante : un salarié se voyant licencier pour faute grave après avoir refusé une rétrogradation entendue comme sanction disciplinaire est-il en mesure d'ester en justice afin de demander des indemnités à son employeur ?
En l'espèce, Monsieur Piton, un salarié bénéficiant de près de quarante années de service au sein d'une entreprise, la Société Saint-Gobain Vitrage est licenciée le 25 novembre 1999 pour faute grave après avoir refusé quelques mois auparavant une mesure de rétrogradation prononcée comme sanction disciplinaire le 27 octobre 1999. Le salarié contesta la décision de son employeur . Il fut tout d'abord, le 3 juillet 2002 débouté de ses demandes indemnitaires par la Cour d'appel d'Amiens puis décida de former alors un pourvoi en cassation pour qu'on lui reconnaisse ses droits. Il va alors soulever plusieurs questions devant les juges de la chambre sociale de la Cour de cassation : une mesure de rétrogradation constitue-t-elle une sanction pécuniaire prohibée par la loi ? Le salarié en mesure de refuser une modification de contrat est-il contraint d'accepter la nouvelle sanction ? N'est -il pas ubuesque pour un employeur de prononcer en premier lieu une rétrogradation et de par la suite se heurtant au refus du salarié, un licenciement pour faute ?
[...] En effet d'une part «une modification du contrat de travail» dépend des dispositions contractuelles de l'article 1134 du Code civil disposant que «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi». Ainsi en l'espèce, c'est à bon droit que le salarié a refusé la rétrogradation proposée par le patron. Alors pourquoi en vertu de cette même loi, n'a-t-il pas pu refuser la deuxième sanction ? [...]
[...] La notion de rapidité procédurale est nécessaire si l'on veut préserver la qualification pour faute grave. L'arrêt du 11 février 2009 apporte à l'arrêt du 7 juillet une certaine nuance tout en étant la continuité du reflet de l'embarras qu'a la Cour de cassation a concilié le droit au refus du salarié et l'exercice du pouvoir disciplinaire de l'employeur. Certains soutiendront que la position adoptée est une sorte de «compensation» garantie et offerte à l'employeur, mais elle peut aussi se révéler favorable aux salariés en incitant un employeur à plus de mansuétude dans le choix de la sanction. [...]
[...] Dans les faits , le patron de la Société Saint-Gobain Vitrage a licencié Monsieur Piton en se prévalant d'une faute grave non pas résultant du refus de la première sanction mais en se basant sur les faits commis pour déclencher la première sanction, comme deuxième sanction. Alors Monsieur Piton est-il en droit de contester ceci ou ne peut- il s'en prendre qu'à lui d'avoir refusé la sanction plus douce qui lui était proposée au départ ? A savoir notamment que le refus persistant de se soumettre à une modification de contrat résultant d'une faute disciplinaire constitue depuis une décision de la chambre sociale du 19 novembre 1997, une faute grave dès l'instant que la sanction de l'employeur était justifiée. [...]
[...] En effet , le changement de poste s'est accompagné évidemment d'un changement de salaire en conséquence. Alors bien que la rétrogradation ne soit pas purement une sanction pécuniaire , peut-on considérer que si elle entraîne des effets négatifs sur le porte-monnaie du salarié , un caractère prohibé pourrait se révéler ? La Cour de cassation a répondu à cette question en se remémorant une affaire datant du 17 février 1993 notamment qui apportait la solution suivante : la rétrogradation ne constitue pas une sanction pécuniaire illicite dès lors qu'elle est la conséquence d'une modification du travail et d'une baisse des responsabilités. [...]
[...] Cela signifie au fond que l'arrêt du 7 juillet 2004 autorise l'employeur , la Société Saint-Gobain à prononcer une autre sanction à l'égard de son employé, Monsieur Piton ceci pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave, la première sanction ( la rétrogradation ) étant gommée au profit du licenciement pour faute. Mais le licenciement pour faute grave est -il envisageable en réalité ? Dans la mesure où ce dernier demande que le salarié quitte sur-le-champ l'entreprise alors qu'une rétrogradation l'aurait fait continuer son activité au sein de l'entreprise, n'y a-t-il pas une incohérence ? Le débat s'est rouvert récemment le 11 février 2009. [...]
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