En l'espèce, la société Ricoh a décidé que, conformément à l'article L 423-16 du code du travail, les élections des délégués du personnel auraient lieu tous les deux ans. Cette décision va à l'encontre de l'article 29 de la convention collective de la métallurgie du Haut-Rhin qui prévoyait de son côté que ces élections auraient lieu tous les ans.
L'union des syndicats des travailleurs de la métallurgie CGT du Haut-Rhin saisit alors le tribunal d'instance de Colmar. Par un jugement en date du 1er mars 1994, ce dernier décide que les dispositions de l'article 29 de la convention collective prévalent sur celles de la loi, étant donné qu'elles sont davantage favorables aux salariés. De ce fait, le tribunal ordonne que les élections des délégués du personnel aient lieu tous les ans et non pas tous les deux ans.
La société Ricoh décide de se pourvoir en cassation, estimant que c'est la loi qui doit primer et non la convention collective. La question qui est ainsi posée aux juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation est de savoir si les dispositions d'une convention collective doivent primer sur celles d'une loi, ceci sous prétexte qu'elles sont davantage favorables aux salariés ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 8 novembre 1994, répond par la négative en estimant que les dispositions de l'article L 423-16 prévoyant que les délégués du personnel sont élus pour deux ans, ont un caractère impératif et font donc parties de l'ordre public absolu. Il est donc impossible d'y déroger de quelques façons que se soit. Les juges de la Chambre sociale décident donc de casser et d'annuler le jugement rendu par le tribunal de Colmar.
Alors que pour répondre à cette question, la notion d'ordre public social pourrait être retenue par la Cour de cassation (I), c'est finalement l'ordre public absolu qui lui a été préféré (II) (...)
[...] Par les critiques formulées ci-dessus, il apparaît difficile de justifier de manière concrète l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 8 novembre 1994. Plus encore, il convient de s'interroger sur les pouvoirs que les juges de la Cour de cassation ont, de distinguer se qui entre dans le champ d'application de l'ordre public absolu de se qui n'y entre pas. On pourrait penser en effet que le juge, n'étant pas législateur (au vu du principe de séparation des pouvoirs), ne devrait pas avoir le pouvoir de décider d'une telle chose. [...]
[...] Pour le Tribunal de Colmar, en charge de l'affaire en première instance, c'est à la Convention collective de primer sur la loi, étant donné qu'elle prévoit des conditions d'élection plus favorable pour les salariés. Les juges ont donc simplement repris ici le principe de faveur, décrit ci-dessus. La Cour de cassation ne remet pas en cause l'idée selon laquelle la Convention collective est plus favorable que la loi pour les salariés. Mais elle rappelle expressément que pour qu'une clause plus favorable l'emporte, elle ne doit pas contredire une loi qui a un caractère impératif. [...]
[...] Tout d'abord, celui-ci passe par une politique d'élargissement du champ d'application de l'ordre public absolu au détriment de l'ordre public social (davantage protecteur des salariés). L'illustration parfaite de ce système est justement l'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 1994. Cette politique passe également par le biais d'un nouveau système instauré depuis une vingtaine d'années environ, celui des accords dérogatoires. Ces accords permettent, dans un champ strictement limité par la loi, de déroger à celle-ci par des conventions collectives, mais qui peuvent maintenant être défavorables aux salariés d'une entreprise La loi n'y est plus considérée comme un minimum. [...]
[...] Cependant, le fait de n'être érigé qu'au rang de principe fondamental du droit du travail par le Conseil constitutionnel ne lui permet pas de contraindre le législateur à le respecter (celui-ci n'ayant qu'une portée infra législative). Cette situation par laquelle une loi peut garder une force supérieure à une convention collective est notable dans l'arrêt de la Cour de cassation du 8 novembre 1994. B - Le refus de l'application du principe de faveur. Dans cet arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 8 novembre 1994, deux articles, ayant chacun une portée juridique différente, s'opposent. [...]
[...] Cette décision date de 1994, et entre dans un mouvement de recul progressif du principe de faveur au profit des normes impératives et des accords dérogatoires. B - Vers un recul progressif du principe de faveur. Etant rappelé qu'entre le puissant et le faible, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui affranchit, s'est imposée l'idée selon laquelle la liberté contractuelle devait, en cette matière, être encadrée par une loi protectrice du plus faible (Hervé Tourniquet). Entre la loi sociale et le contrat de travail est donc venue s'intercaler une norme d'un type particulier qu'est la convention collective. [...]
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