L'internationalisation des rapports de travail, perçu comme un moyen d'égaliser les charges et d'atténuer les inégalités de la concurrence internationale, complexifie parfois la détermination du juge compétent en cas de litige prud'homal bien avant la question de la loi applicable au cas d'espèce. Un contrat de travail est international lorsqu'il possède des éléments d'extranéité qui sont des éléments par lesquels le contrat est en contact, ne serait-ce que partiellement, avec un ordre juridique étranger. Ce type de contrat, devenue monnaie courante, est plus que tout autre un contrat sur mesure, « tiraillé » entre la volonté des parties et les exigences légales et matérielles. Le problème réside notamment dans l'existence potentielle d'une clause attributive de juridiction, clause contractuelle confiant le litige à une juridiction qui n'a légalement pas qualité pour en connaître, qui peut parfois placer le salarié justiciable dans l'incompréhension quant à la saisine de l'entité judiciaire effectivement compétente. Ainsi, le règlement des conflits individuels du travail au niveau international marque une certaine ambiguïté et une complexité certaine notamment quant à la détermination de la juridiction compétente, comme l'illustre l'arrêt de la Chambre Sociale du 30 janvier 1991.
[...] En effet la loi applicable au conflit pourra être déterminée en fonction des lois du for en vigueur dans l'Etat où siègent les juridictions reconnues compétentes pour statuer sur le litige. Or on peut souligner que ces lois de police varient d'un pays à l'autre. En l'espèce on peut supposer que si la compétence des juges français avait été admise, le droit français du licenciement se serait sans doute imposé. Le salarié aurait donc bénéficié d'une indemnité plus importante que celle qui pourra lui être attribuée par les juridictions du Zaïre. [...]
[...] Avec cet arrêt du 30 janvier 1991, la Chambre Sociale se livre à une avancée sans précédent en matière de relations internationales du travail. En effet outre la réaffirmation de la validité des clauses attributives de compétence dans les contrats de travail internationaux, elle en déduit deux conséquences quasi automatiques qui privent le salarié de toute échappatoire En excluant l'application de l'article R 517-1 du Code du travail et en emportant renonciation au bénéfice des dispositions de l'article 14 du Code civil il semble qu'une clause attributive de compétence laisse libre court à la volonté contractuelle des parties, fût- elle déterminée unilatéralement par l'employeur. [...]
[...] A ce titre on peut estimer que lorsque le contrat a été conclu et qu'il s'exécute à l'étranger, l'employeur peut légitimement ne pas vouloir courir le risque d'être assigné devant les tribunaux de tous les États dont il emploie des nationaux. Dans cette hypothèse, interdire l'insertion de clauses attributives de compétence dans le contrat de travail risquerait de faire perdre au salarié une occasion d'embauche[3]. Ainsi la position de la Chambre Sociale semble avoir changé de cap, à la protection du salarié la Cour semble avoir préféré une logique d'accès à l'emploi. De plus la reconnaissance de la légalité des clauses attributives de compétences au niveau international semble de plus en plus souple. [...]
[...] Dans cet arrêt la Haute Cour semble ignorer volontairement les nombreux débats qu'aurait pu susciter la question de la loi applicable en l'espèce. Ainsi en réaffirmant une simple méthode procédurale en matière de litige lié à un contrat de travail international, la Chambre Sociale semble faire abstraction des enjeux protecteurs qu'aurait pu revêtir sa solution. Dès le début de son attendu, objectivité et rigueur se conjuguent pour laisser une place toute particulière à la reconnaissance et à la portée de la clause attributive de compétence présente dans le contrat de travail liant les parties à l'instance. [...]
[...] 517-1 du Code du travail. Mais cette position atypique de la Chambre Sociale n'est pas restée immuable, illustrant ainsi une certaine incertitude quant au régime juridique attaché aux clauses attributives de compétence. En effet dans deux arrêts postérieurs du 7 mai 1987 et du 16 juillet 1987, la Chambre Sociale annonçait le principe selon lequel il est impossible de déroger conventionnellement aux règles de compétence posées par l'article R 517-1 du Code du travail La Haute Cour assimilait ainsi cet article à une disposition d'ordre public qui a un caractère impératif même pour un contrat international Cette évolution jurisprudentielle marquée par de nombreuses fluctuations semble une fois de plus remise en cause par l'arrêt du 30 janvier 1991 dans lequel la Chambre Sociale relève que la clause attributive de compétence, incluse dans un contrat conclu entre le salarié français et une société étrangère pour être exécuté à l'étranger ( ) excluait l'application de l'article R 517-1 du Code du travail Par cette affirmation, la Chambre Sociale rapproche incontestablement son analyse de celle de la première Chambre Civile qui avait pour des faits similaires, dans son arrêt Air Zaïre du 8 mars 1988, refusé également d'appliquer les dispositions de l'article R. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture