Depuis maintenant près d'un quart de siècle, le législateur n'a eu cesse de porter une attention toute particulière aux contrats de travail précaires, notamment aux contrats à durée déterminée qui restent leur prototype par excellence. L'objectif clairement affiché est d'en limiter l'usage. Ainsi, aux termes de l'article L1221-2 du Code du travail "le contrat à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail." L'employeur n'a donc la faculté de recourir aux CDD que dans des cas limitativement énumérés par la loi. Dès lors, il arrive parfois que pour sanctionner un abus de recours à des CDD successifs, le juge opère une requalification de la relation contractuelle en CDI. C'est justement cette question qui pose ici quelques difficultés (...)
[...] L'employeur doit savoir s'il court éventuellement le risque de voir les CDD successifs requalifiés en CDI. On peut penser que dans le cas contraire, il respecterait scrupuleusement les modalités de la loi, notamment car en principe les CDD successifs ininterrompus sont prohibés. La Chambre sociale parle "éléments concrets et précis", mais elle ne dit pas à quoi ils renvoient. Plusieurs solutions pourraient d'ailleurs remédier à cette carence. Les partenaires sociaux pourraient par exemple, pale biais d'accords ultérieurs, venir apporter des précisions sur ces critères. [...]
[...] Enfin, le troisième impose de préciser le nombre de leur renouvellement. En l'espèce, il semblerait que la Cour ne fasse pas référence aux deux derniers critères. Cependant, elle retranscrit explicitement le premier tel que posé par la CJCE. Ainsi, dans le premier arrêt elle évoque les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée. Dans le second, elle va plus loin puisqu'elle les intègre dans le visa. En réalité, elle ne fait içi que reprendre la solution de l'arrêt du 4 juillet 2006 de la CJCE. [...]
[...] Dans les arrêts du 23 janvier 2008, la Cour refait explicitement référence à ce 3è critère, puisqu'elle énonce que "l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée impose de vérifier que le recours à l'utilisation de CDD successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi". On voit donc la mention du "caractère par nature temporaire", ce qui implique un retour à la solution antérieure à 2003. La Chambre sociale restreint à nouveau la possibilité pour l'employeur de recourir à ces contrats. Ce revirement apparaît, à la différence de la solution de 2003, plus en adéquation avec les conditions posées par le législateur à l'article L1242-2 alinéa 3 du Code du travail. B. Une position plus conforme aux vues du législateur. [...]
[...] Dans les arrêts de 2008, la Chambres sociale se fonde donc sur les "raisons objectives" et "les éléments concrets et précis" permettant de déterminer le caractère par nature temporaire de l'activité. Le juge doit donc apprécier au cas par cas, en se fondant sur ces deux indices, que l'emploi n'a pas vocation à être permanent, en raison de la précarité même de l'activité. L'influence de la jurisprudence communautaire sur la matière ne fait désormais plus aucun doute. Si on peut se réjouir de la volonté de cohérence affichée par la Chambre sociale, il est toutefois regrettable qu'elle ne soit pas allée plus loin que la solution de la CJCE. [...]
[...] Ce revirement opéré par la Chambre sociale en 2008, fait donc suite à celui de 2003, mais engendre un retour à la solution antérieure à cet arrêt. Elle est bienvenue car elle permet une application plus cohérente de la loi. Cependant, la Cour n'a pas décidé seule de changer à nouveau de position, puisque les arrêts de 2008 apparaissent être inspirés par la jurisprudence de la CJCE. II. Un revirement influencé par la jurisprudence de la CJCE. Deux revirement en moins de cinq ans, alors que la solution antérieure avait perduré pendant plus de 10 ans, voilà qui semble peu commun, même pour la Cour de cassation qui a l'habitude de changer régulièrement d'humeur. [...]
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