Un salarié peut-il être licencié en raison d'un mode de vie incompatible avec ses fonctions ? Cette sempiternelle question a fait l'objet, dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 17 avril 1991, Painsecq contre Association Fraternité Saint-Pie X, d'une conception novatrice qui inspiré la jurisprudence et ce jusqu'à aujourd'hui. En l'hypothèse, l'Association catholique « à tendance intégriste », Fraternité Saint Pie X, qui occupait illégalement l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, employait M. Painsecq en qualité d'aide-sacristain. Alors que le comportement du salarié n'avait donné lieu à aucune observation ni à aucun incident, le curé de la paroisse ayant appris par une indiscrétion que l'employé était homosexuel a alors décidé de le licencier. La Cour de Paris, saisie de l'action du salarié en dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui donne pourtant tort. Après avoir énoncé que « la bonne exécution (du contrat) requérait nécessairement que l'attitude extérieure (du salarié) corresponde aux dispositions intérieures dont elle n'était que le reflet », l'arrêt ajoute : « que l'homosexualité est condamnée depuis toujours par l'Eglise catholique avec une fermeté qui ne s'est jamais démentie pour être radicalement contraire à la Loi divine inscrite dans la nature humaine », « cette méconnaissance délibérée par le salarié de ses obligations nées du contrat de travail a existé et existait indépendamment du scandale qu'un tel comportement était susceptible de provoquer ».
Mais statuant au visa des articles L. 122-35 et L.122-45 de l'ancien Code du travail, la Cour de cassation a censuré cette décision. Elle énonce, après avoir rappelé la nullité d'un licenciement fondé sur les moeurs ou convictions religieuses du salarié, une nouvelle règle : « il peut être procédé à un licenciement dont la cause objective est fondée sur le comportement du salarié qui, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière » (...)
[...] Painsecq, ne pouvant établir une véritable cause de licenciement). Une ambigüité apparaît dès lors : si le contrat de travail justifie la création, à la charge du salarié, d'obligations de faire (facere, imposant au débiteur d'accomplir des actes positifs), il paraît difficile d'admettre que celui-ci puisse s'immiscer dans l'intimité d'un cocontractant au point de le soumettre à une sorte d'« obligation d'être Une conception particulière du devoir de loyauté dans les entreprises de tendance Ainsi, si l'arrêt d'appel est empreint d'une certaine imprécision, puisqu'il ne définit pas les obligations méconnues auxquelles il fait référence, il rapproche indubitablement les convictions personnelles du salarié, et son engagement contractuel. [...]
[...] Mais une loi du 12 juillet 1990 avait modifié l'article L.122-45 interdisant également tout licenciement fondé sur les mœurs de l'employé. Bien que non applicable à l'espèce, cette nouvelle solution légale ne pouvait manquer de venir à l'esprit des juges de la Cour de cassation. Aussi, n'hésitèrent-ils point à interpréter les dispositions antérieures de manière à leur faire dire que ces textes interdisent à l'employeur de congédier un salarié pour le seul motif tiré de ses mœurs ou de ses convictions religieuses Non content de cette première audace, ils en ajoutèrent une seconde en apportant par avance une limite raisonnable à la portée de l'article L.122-45 dans sa rédaction postérieure, en consacrant la notion de trouble objectif. [...]
[...] Commentaire d'arrêt : Cass.soc avril 1991 Un salarié peut-il être licencié en raison d'un mode de vie incompatible avec ses fonctions ? Cette sempiternelle question a fait l'objet, dans un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 17 avril 1991, Painsecq contre Association Fraternité Saint-Pie d'une conception novatrice qui inspiré la jurisprudence et ce jusqu'à aujourd'hui. En l'hypothèse, l'Association catholique à tendance intégriste Fraternité Saint Pie qui occupait illégalement l'église Saint-Nicolas-du- Chardonnet, employait M. Painsecq en qualité d'aide-sacristain. [...]
[...] Le fondement de ces arrêts repose, comme pour l'arrêt Painsecq, sur l'inviolabilité de la vie privée consacrée à l'article 9 du Code Civil. Cette notion s'est pourtant avérée trop restrictive voire inexacte, selon le professionnel Savatier, lorsqu'il s'agissait de faits ne relevant pas de la sphère limitée de l'intimité de la vie privée. Aussi la Chambre sociale a-t-elle décidé, à partir de 1997 (dans deux arrêts successifs qui ont fait jurisprudence), de se référer à la vie personnelle du salarié pour garantir l'autonomie de ce dernier : elle a notamment estimé dans un arrêt du 16 décembre 1997 : le fait imputé au salarié, qui s'était déroulé en dehors du temps de travail, relevait de la vie personnelle et ne pouvait constituer une faute Un devoir de loyauté particulièrement contraignant irrémédiablement maintenu dans les entreprises de tendance ? [...]
[...] Mais cela ne revient-il pas, par une voie détournée à intégrer la vie privée du salarié dans le contrat de travail tant il est vrai que le licenciement pour inaptitude professionnelle suppose que fasse défaut l'aptitude exigée du salarié dans le contrat ? C'est ce que semble affirmer la Cour de cassation, selon laquelle l'homosexualité en elle-même ne saurait suffire à établir l'incompétence du sacristain. L'objectivité du contrôle va donc de paire avec la volonté claire de la Cour suprême d'ériger la vie privée du salarié (définie par le professeur Rivero comme la reconnaissance, au profit de chacun, d'une zone d'activité qui lui est propre et qu'il est maître d'interdire à autrui en limite du champ du contrat de travail. [...]
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