Mlle Bentenat été engagée à compter du 13 juin 1994, pour un contrat à durée déterminée d'un an, en qualité de responsable de centre d'étude de langues, par l'association institut interprofessionnel de formation pour l'industrie et le commerce (IFPIC). Le 23 septembre 1994 elle a remis une lettre de démission qu'elle a peu de temps après, le 26 septembre 1994, dénoncée.
Suite à cette dénonciation elle a saisi le conseil de prud'hommes afin de réclamer une indemnité de fin de contrat et des dommages-intérêts. Son employeur à quant à lui invoqué la nullité du contrat pour dol constitué par la mention sur le curriculum vitae de la salariée, remis lors de son embauche, d'une indication erronée relative à son expérience professionnelle.
Le 25 juillet 1996 la cour d'appel de Poitiers a donné raison à l'employeur de Mlle Bentenat en déclarant nul le contrat de travail et en rejetant par conséquent les demandes de la salariée.
Pour justifier sa décision la cour d'appel retient que Mlle Bentenat a fait figurer dans son curriculum vitae la mention « 1993 assistance de responsable formation Renault (Rueil-Malmaison », alors qu'en réalité elle n'avait effectué dans l'entreprise qu'un stage de formation de quatre mois à la direction des études dans le service formation linguistique. Elle a donc de toute évidence menti sur son CV. De plus la cour d'appel retient « que manifestement la relation salariale ne se serait jamais nouée s'il était apparu qu'au lieu de bénéficier d'une expérience professionnelle d'une année au sein d'une société importante à un poste d'assistante de responsable formation l'intéressé n'avait eu en fait qu'une expérience professionnelle de quatre mois au titre d'un stage en formation », c'est-à-dire si son employeur avait eu connaissance de la vérité.
La cour d'appel de Poitiers a ainsi conclu que le consentement de l'employeur avait été vicié par la manoeuvre dolosive de la salarié, caractérisée par la mention d'informations mensongères sur son curriculum vitæ.
Dans cet arrêt les juges de la cour de cassation ont dû s'interroger sur le problème de droit suivant : le fait d'indiquer dans son CV des mentions erronées est-il susceptible d'être considéré comme une manoeuvre dolosive susceptible de justifier la nullité du contrat ?
Le 16 février 1999 les juges de la chambre sociale de la cour de cassation ont cassé et annulé l'arrêt rendu le 25 juillet 1996 par la cour d'appel de Poitiers.
Ils ont retenu sur la base de l'article 1116 du Code civil que la mention litigieuse portée sur le CV de Mlle Bentenat bien qu'elle soit « imprécise » et « susceptible d'une interprétation erronée, n'était pas constitutive d'une manoeuvre frauduleuse », et que par conséquent la cour d'appel avait violé l'article 1116 du Code civil en prononçant la nullité du contrat de travail.
Il est ici intéressant de constater que la Cour d'appel et la Cour de cassation ont une lecture différente de l'article 1116 du code civil. En effet la première en fait une interprétation stricte (I) là où la seconde en donne une interprétation plus large dans le but manifeste d'assurer la protection du salarié souvent placé en position de faiblesse par rapport à son employeur à l'occasion de la conclusion du contrat de travail (II).
[...] Il est donc surprenant que la cour de cassation l'ait invalidée. Il de fait intéressant de s'intéresser aux motifs ayant motivés sa décision ainsi qu'aux incidences de cette dernière. II l'interprétation rigoureuse de la nature dolosive d'une manœuvre proposée par la chambre sociale de la cour de cassation Cet arrêt souligne l'indulgence dont la cour de cassation fait preuve à l'égard des candidats à l'embauche qui forcent leur chance être engagés en se prévalant d'une expérience professionnelle qu'ils n'ont pas. [...]
[...] L'employeur est quant à lui placé dans une situation délicate car il lui appartient de s'assurer lui même de la véracité des curriculum vitae de ses employés. Pour se faire, il doit mettre à profit la période d'essai de ces derniers, et ne pas hésiter à se renseigner de manière poussée sur leur parcours professionnel au moment du recrutement. une décision très protectrice du salarié Dans cet arrêt la chambre sociale de la Cour de cassation confère un droit de mentir aux salariés. [...]
[...] Toutes ces mentions avaient été considérées par la cour d'appel comme décisive à la décision de l'employeur de conclure le contrat de travail. C'est pourquoi le fait qu'elles soient en fait erronées avait donné lieu à la nullité du contrat. De la même façon dans cet arrêt rendu par la chambre sociale de la cour de cassation le 16 février 1999, l'on constate que la Cour d'appel de Poitiers a pu conclure que la relation salariale entre Mlle Bentenat et L'IFPIC n'aurait jamais été nouée si la salariée n'avait pas porté de fausses mentions dans son curriculum vitae. [...]
[...] Le 16 février 1999 les juges de la chambre sociale de la cour de cassation ont cassé et annulé l'arrêt rendu le 25 juillet 1996 par la cour d'appel de Poitiers. Ils ont retenu sur la base de l'article 1116 du Code civil que la mention litigieuse portée sur le CV de Mlle Bentenat bien qu'elle soit imprécise et susceptible d'une interprétation erronée, n'était pas constitutive d'une manoeuvre frauduleuse et que par conséquent la cour d'appel avait violé l'article 1116 du Code civil en prononçant la nullité du contrat de travail. [...]
[...] Elle réaffirmera cette prise de position très peu de temps après, dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 30 mars 1999. Dans cette affaire la Cour avait soutenu que le fait de mentir sur les diplômes possédés dans un curriculum vitae n'était en soit pas suffisant pour caractériser une manœuvre dolosive. Ainsi, dans ces deux affaires examinées par la chambre sociale la solution retenue est contraire à la jurisprudence des chambres civiles pour lesquelles, au sens de l'article 1116 du Code civil, le dol peut être constitué par de simples mensonges. [...]
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