« La convention et l'accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur ». Le principe de faveur, traditionnel, a été exprimé dans la loi, et on en trouve ainsi la définition par une lecture de l'article L132-4 du Code du travail. Le droit des conventions et accords collectifs a connu des évolutions récentes d'une importance considérable, dont certaines ont eu des répercussions importantes sur ce principe. La loi du 4 mai 2004, commentée par la circulaire du 22 septembre de la même année, a apporté des éléments importants dans le domaine de la négociation collective : d'abord, elle pose un droit d'opposition généralisé et l'introduction du principe majoritaire comme condition de validité des accords. Elle légalise les accords de groupes qui étaient déjà reconnus par la jurisprudence et prévoit des négociations subsidiaires en cas d'absence de délégués syndicaux. Enfin, elle élargit les domaines de la négociation collective d'entreprise, la rendant possible dans des domaines auparavant réservés à la négociation de branche, professionnelle ou interprofessionnelle. Les articles L132-13 et L132-23 du Code du travail reprennent les dispositions de cette loi et prévoient une possibilité de dérogation à l'accord d'un « niveau supérieur » par un accord de « niveau inférieur », pour reprendre les termes de la loi. C'est à dire qu'ils ouvrent la possibilité pour des accords d'entreprise de déroger à un accord collectif ayant un champ d'application plus large. La loi du 4 mai 2004 renforce donc l'autonomie des accords d'entreprises en faisant évoluer la portée du principe de faveur entre les différents niveaux d'accords. Mais cette loi, qui permet aux signataires de la convention dite « supérieure » de poser des règles d'indérogabilité des accords d'entreprises ou d'établissements aux normes ayant un champ d'application plus large, ne risque-t-elle pas de connaître des difficultés d'application ?
Nous nous intéresserons à l'affirmation de la possibilité de dérogation des accords d'entreprise aux accords de champ d'application plus large telle qu'elle ressort des articles L132-13 et L132-23 du Code du travail (I.) puis nous verrons en quoi les données qui ressortent de ces articles peuvent être critiquables (II.).
[...] Le législateur, à travers les dispositions des articles L132-13 et L132-23 pose une hiérarchie là où il n'y en a pas. L'application possible de ces articles n'est plus fonction de la volonté du législateur mais des négociateurs du niveau interprofessionnel ou de branche Une application limitée aux accords conclus postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 L'article 45 de la Loi du 4 mai 2004 prévoit que les dispositions de cette loi ne vaudront que pour l'avenir. [...]
[...] Ainsi, l'article L132-23 alinéa3 prévoit que En matière de salaires minima, de classifications, de garanties collectives mentionnées à l'article L.912-1 du code de la sécurité sociale et de mutualisation des fonds recueillis au titre du livre IX du présent code, la convention ou l'accord d'entreprise ou d'établissement ne peut comporter des clauses dérogeant à celles des conventions de branche ou accords professionnels ou interprofessionnels Cette disposition n'a rien d'innovant. Il est depuis longtemps admis qu'on ne peut déroger par convention aux lois d'ordre public. Le législateur énonce en quelques sortes les domaines fondamentaux intéressant le droit du travail et auxquels on ne peut pas déroger. Ainsi le principe de faveur demeure toujours aussi important dans les domaines énoncés. Les accords d'entreprise et d'établissement ne peuvent prévoir que des dispositions plus favorables. [...]
[...] Il est un principe fondamental du droit du travail, mais n'a que la valeur législative. Il est parfois érigé en visa par la Cour de Cassation (Cass., Soc juillet 1996). Ce principe est toujours utilisé. On l'utilise dans les cas d'indérogabilités précités. En cas de conflits entre deux normes, on appliquera la norme la plus favorable aux salariés. La détermination de la norme la plus favorable sera déduite d'une appréciation tenant compte des intérêts de l'ensemble des salariés (Cass., Soc février 1997), et d'une appréciation globale avantage par avantage (Cass., Soc janvier 1996). [...]
[...] Auparavant, le principe de faveur s'utilisait dans tous les cas puisque la dérogation à un accord de champ d'application plus large n'était pas possible. Depuis la loi du 4 mai 2004 et aux dispositions qu'elle a inséré aux articles L132-13 et L132-23 du Code du travail, le principe de faveur ne trouve plus à s'appliquer que dans des domaines de plus en plus limités. Les articles L132-13 et L132-23 posent donc un principe de dérogabilité des accords d'entreprises ou d'établissements aux accords de champ d'application plus large. [...]
[...] On peut là encore constater le recul du principe du faveur. Avant la loi du 4 mai 2004, qui a modifié les dispositions de l'article L132-13, l'accord d'entreprise ou d'établissement devait nécessairement se voir adapté aux dispositions des conventions de branche ou interprofessionnelles, ou prendre des dispositions plus favorables aux salariés. Les normes posées par les conventions et accords de branche ou interprofessionnels constituaient alors des normes planchers (CA Paris septembre 2003). On ne pouvait déroger à ces normes et il fallait donc adapter les accords d'entreprise. [...]
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