La théorie de l'imprévision, à distinguer de la lésion (p. 13) et de la force majeure (p. 14),
autorise une adaptation judiciaire des contrats à l'évolution du temps, sans base légale (p. 12) ni contractuelle (p. 11). Pour des raisons historiques (p. 6), une telle révision du contrat est refusée par le juge civil français (p. 2), mais admise par le juge suisse (p. 2).
Il existe deux définitions de la théorie de l'imprévision (p. 15): le Tribunal fédéral suisse
part d'une conception large, qui englobe tant les déséquilibres économiques que personnels (p. 15).
L'intervention du juge suisse est fortement limitée par des conditions d'application négatives
restrictives (p. 16), dont la présence d'une seule fait irréfragablement présumer le contractant
en situation d'exorbitance avoir accepté la nouvelle situation (p. 16).
La doctrine française hostile à la théorie de l'imprévision en choisit également une
définition large (p. 22), large à tel point qu'elle anéantit la force obligatoire des contrats, ce
qui impose son refus.
Certains arrêts de la Cour de cassation française opèrent la révision d'un contrat au sens d'une
telle définition large (p. 23). Mais la Cour française part d'une définition économique, restreinte,
de la théorie de l'imprévision (p. 26), ce qui lui permet de maintenir sa position traditionnelle:
les cas où le juge révise le contrat n'entrent pas dans cette définition économique de l'imprévision.
La doctrine française favorable à l'admission de la théorie de l'imprévision adopte aussi cette
définition économique: car en raison de son champ d'application restreint, elle paraît mieux
compatible avec pacta sunt servanda, et pour cela concevable (p. 28).
Malgré le refus de la théorie de l'imprévision, le débiteur en situation d'exorbitance n'est pas pour autant abandonné par le droit français: s'il ne s'intéresse pas tant à l'événement qui est le
changement des circonstances – dans aucun cas il n'appartient au juge d'en tenir compte, l'arrêt Canal de Craponne le rappelle depuis 1876 – il prend néanmoins en compte les conséquences qui en découlent (p. 40).
[...] Un autre indice en ce sens est la restriction de l'admission générale de la lésion aux seuls mineurs (art du Code civil dont le consentement peut être plus facilement influencé. Le législateur a préféré que les conséquences juridiques qui découlent d'une disproportion des prestations soient prises en compte par le biais des mécanismes des vices du consentement : dans de très nombreux cas, le caractère lésionnaire résulte de l'exploitation évidente par l'une des parties des circonstances défavorables où se trouve l'autre ce que le législateur estimait suffisamment sanctionné par les théories de la violence et du dol (Travaux préparatoires pour le Code civil, cités dans : GAUDEMET, Obligations, p. [...]
[...] ; pour un exemple voir Cass. com octobre ATF 93 II 185 : le juge suisse jouit d'une compétence subsidiaire pour procéder à la révision en l'absence d'accord entre les parties ; contra, en France : le refus du contractant d'accepter la révision du prix ne saurait caractériser une faute de sa part, quel que soit le déséquilibre économique allégué par la société [ ] (Cass. com octobre 2006) OPPETIT, précité Pour une analyse franco-suisse des clauses d'indexation : voir CATALA et DROIN, Dépréciation, pp ss. [...]
[...] Civ mai 1978, Bull. civ. I ère Cass. civ février ème Cass. civ décembre 1987 : révision de la prestation compensatoire due après divorce, non pas à cause du changement des circonstances (le divorce) mais en raison des conséquences d'une exceptionnelle gravité résultant de l'absence de révision. L'événement en lui-même n'importe pas Dans ce sens : GHESTIN, Les effets, 330 pp s ère Cass. [...]
[...] L'arrêt Craponne représente donc moins un refus de la théorie de l'imprévision, plutôt qu'une affirmation du principe pacta sunt servanda. II L'admission de la théorie de l'imprévision au sens large en France 87 L'analyse de la jurisprudence française montre que de nombreuses décisions seraient en réalité des applications d'une théorie de l'imprévision au sens large : des adaptations du contrat au changement des circonstances ayant produit un déséquilibre personnel ou économique Soit peut-on dire alors qu'il y a des exceptions au refus de la théorie de l'imprévision ; soit pourrait-on faire une étape de plus et admettre que ces exceptions au refus sont en réalité des admissions du principe. [...]
[...] Les deux fois, il y aura révision du contrat343, mais la révision par le juge sera coûteuse. L'efficacité de ce système, qui avait aussi été adopté par le législateur français, est prouvée En France au contraire, en raison du refus de la révision pour imprévision, un contractant sera incité à résilier unilatéralement son contrat, ce qui est toujours possible dans les contrats à durée indéterminée345 ; or cela n'apporte rien à la stabilité des liens contractuels et des échanges économiques, qui se cache en vérité derrière le postulat de la sécurité des engagements et le principe pacta sunt servanda Il y a ainsi un élément spéculatif dans tout contrat français : en cas de changement des circonstances, l'une des parties sera avantagée ; une fois ce déséquilibre réalisé, plus aucun intérêt pour le bénéficiaire de réviser le contrat : chaque partie maintient ainsi ses positions, ce qui entraîne le plus souvent un procès : le débiteur refuse de fournir une prestation exorbitante, convaincu que son obligation est éteinte ; le créancier insiste sur le maintien intégral du contrat. [...]
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