Historiquement, la notion de servitude remonte au droit romain, où elle est quasiment synonyme de droit réel. Elle constituait alors une technique pour superposer plusieurs droits sur un même fonds et ainsi favoriser l'utilisation agricole des terres. Comme tout droit réel, la servitude était donc inséparable du fonds et trouvait son utilité dans l'augmentation des possibilités d'exploitation d'un bien. L'ancien droit français a particulièrement développé cette notion, en la transformant cependant en instrument de servage. Ainsi, les droits seigneuriaux – corvées, banalités, dîmes – constituaient autant des servitudes dîtes « personnelles », c'est-à-dire des charges pesant sur des personnes attachées à une terre. Le droit coutumier privilégie ainsi une approche conceptuelle où la propriété ne peut appartenir qu'à Dieu ou au Roi, les individus ne disposant que de quelques droits concurrents sur les biens. Cette idée de propriété simultanée se retrouve ainsi encore aujourd'hui dans certains pays de common law.
En France, l'abolition des privilèges prononcée au cours de la nuit du 4 août 1789 a signé la fin de ce type de servitudes. Mais elle a conservé la notion romaine de sûreté réelle ambulat cum dominio. C'est sur la base des acquis révolutionnaires que le Code civil de 1804 a donc restreint la notion à des services fonciers, c'est-à-dire à des charges imposées à des propriétaires et non à des serfs. Ainsi, en droit positif, aux termes de l'article 637 du Code civil, « une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire.» Selon les auteurs Philippe Malaurie et Laurent Aynès, cette définition du code « est, pour une fois, excellente ». La servitude constitue ainsi une charge, pesant sur un immeuble appelé fonds servant, au profit d'un autre immeuble appelé fonds dominant, les propriétaires des deux fonds étant distincts. Elle revêt donc un quadruple caractère, puisque de par sa définition même, elle est nécessairement immobilière, accessoire, perpétuelle et indivisible. Les servitudes peuvent être légales ou établies par le fait de l'homme, c'est-à-dire principalement dans ce dernier cas au moyen de conventions. L'article 686 du Code civil dispose ainsi: « Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue; à défaut de titre, par les règles ci-après. » Littéralement, cet article semble poser une distinction entre sûreté et obligation personnelle. Une obligation est un lien de droit issu d'un rapport juridique en vertu duquel une personne, le débiteur, est tenue d'exécuter une prestation au profit d'une autre, le créancier. Une obligation est donc par définition personnelle, puisqu'elle repose sur un rapport entre deux personnes. La terminologie d'obligation personnelle n'est ainsi utilisée que pour relever l'existence d'un type très particulier d'obligation, les obligations propter rem, ou obligations réelles. L'obligation réelle, c'est est la charge qui pèse sur une personne titulaire d'un droit réel. Dans cette hypothèse intermédiaire entre la servitude, rapport entre deux fonds, et l'obligation « personnelle », rapport entre deux personnes, le débiteur n'est tenu qu'in rem, c'est-à-dire en tant que titulaire d'un droit réel.
Derrière l'apparente simplicité de la distinction faite entre une sûreté, rapport direct entre deux fonds et une obligation, rapport direct entre deux personnes, se cache donc des relations, voir des dépendances complexes. Cet état du droit amène dès lors à s'interroger sur la valeur et la portée de cette distinction classique. Quel en est l'intérêt ? Dans quelle mesure est-elle efficace? S'il apparaît qu'elle présente toujours un intérêt juridique certain (I), elle n'en présente pas moins aussi aujourd'hui des insuffisances qui appellent son dépassement (II).
[...] L'obligation réelle, c'est est la charge qui pèse sur une personne titulaire d'un droit réel. Dans cette hypothèse intermédiaire entre la servitude, rapport entre deux fonds, et l'obligation personnelle rapport entre deux personnes, le débiteur n'est tenu qu'in rem, c'est-à- dire en tant que titulaire d'un droit réel. Derrière l'apparente simplicité de la distinction faite entre une sûreté, rapport direct entre deux fonds et une obligation, rapport direct entre deux personnes, se cache donc des relations, voir des dépendances complexes. [...]
[...] L'article 686 du Code civil dispose ainsi : Il est permis aux propriétaires d'établir sur leurs propriétés, ou en faveur de leurs propriétés, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les services établis ne soient imposés ni à la personne, ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient d'ailleurs rien de contraire à l'ordre public. L'usage et l'étendue des servitudes ainsi établies se règlent par le titre qui les constitue ; à défaut de titre, par les règles ci-après. Littéralement, cet article semble poser une distinction entre sûreté et obligation personnelle. [...]
[...] La servitude engendre des rapports fonciers qui font écran sur la personnalité des titulaires desdits fonds. Mais les fonds ne peuvent exister que grâce aux personnes qui les gèrent. Les rapports personnels qui existent entre les propriétaires des fonds, droits personnels, sont les véritables moteurs de la création des servitudes. Le droit des obligations semble alors trouver sa place dans la matière des servitudes aux côtés des droits réels démembrés. Toujours selon l'auteur, l'intérêt d'introduire le droit des obligations dans le droit des servitudes serait d'une part l'optimisation de l'utilité des servitudes et d'autre part l'optimisation de leur durée. [...]
[...] Les sûretés ne pouvant porter que sur des immeubles, la charge sera donc nécessairement une obligation personnelle. Au contraire, si la charge a pour finalité d'augmenter la valeur économique du fonds, d'augmenter le prix du terrain ou de l'immeuble, elle profitera au fonds, aura un objet immeuble et sera donc une servitude. Ce critère du profit ou de l'intérêt se retrouve par ailleurs dans l'exemple connu des servitudes bourgeoises. Ainsi pour certains auteurs, il faut chercher si elle est établie dans l'intérêt du fonds : elle constitue alors une servitude ; ou si elle n'a été contractée que dans le seul intérêt du propriétaire stipulant : il ne s'agit alors que d'une obligation personnelle. [...]
[...] Cass. civ. 3ème juillet 2001, RTD civ p Obs. Revet. Cass. com juillet 1987, Bull. com. n°184 ; confirmé par Cass. civ. 3ème mars 1993, Bull. [...]
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