Si le mensonge, attitude positive en ce qu'il consiste délibérément à dire des choses que l'on sait fausses, est puni par la morale, la société et parfois le droit, qu'en est-il du silence, qui est une attitude négative, sur une information qu'un autre ignore ou se représente incorrectement ? Car « savoir et ne rien dire », en droit des obligations, pose tout le problème de la rétention d'information : on est au courant d'une chose, que l'on sait importante pour une autre personne avec qui l'on souhaite contracter, et on choisit délibérément de la lui cacher, non par le biais de manœuvres compliquées, mais simplement en la laissant supposer des choses fausses, ou en exploitant son erreur en omettant de la détromper.
Cela confère indéniablement un avantage sur ce cocontractant. Cette position de force semble certes dangereuse pour la sécurité juridique, mais elle permet de mettre le doigt sur le devoir de s'informer avant de contracter. Cependant, certaines informations sont difficilement accessibles, comme les vices cachés d'un immeuble, contre lesquels le législateur a dû protéger l'acquéreur, ou comme les informations spécifiques que seuls des professionnels peuvent penser à rechercher.
On touche donc ici à la notion de dol, et plus particulièrement de ce qu'on appelle la réticence dolosive. À partir de là, on se rend compte que la dialectique « savoir et ne rien dire » soulève de nombreuses questions. Pour commencer, quand on tait une information ignorée de son cocontractant, commet-on une quelconque faute ? Est-ce vrai dans tous les cas ? Peut-on encourir une sanction, et si oui, laquelle et pourquoi ? Que dit le droit positif à cet égard ?
[...] L'ancienne position de la Cour de cassation Pendant fort longtemps, la Haute juridiction a tenté de dissocier le dol de la réticence dolosive. Ainsi, le dol était sanctionné et entraînait la nullité du contrat, mais le simple fait de dissimuler à l'autre contractant un élément que l'on connaissait ne constituait pas un dol. La nullité du contrat pouvait toutefois être obtenue, mais sur le fondement de l'erreur sur une qualité substantielle, et non sur le fondement du dol. La simple réticence est par elle-même insuffisante pour constituer un dol chambre des requêtes février 1874. [...]
[...] En effet, si l'un des cocontractants se rend compte que les conditions réelles du contrat ne sont pas celles qu'il se représentait (ou s'il ne les a jamais acceptées, dans le cas de la violence), le contrat n'est pas celui qu'il souhaitait, et s'il avait connu les conditions réelles, il n'aurait pas contracté du tout, ou à des conditions autres. C'est pourquoi un contrat vicié par l'erreur, contraint par la violence ou surpris par le dol se verra frappé de nullité par le juge. La seule personne capable de demander l'annulation du contrat sera la victime du vice de consentement. Comme le précise l'adage nemo auditur propriam turpitudinem allegans ce qui signifie que la personne coupable de manœuvres dolosives ne pourra demander l'annulation du contrat sur ce fondement. [...]
[...] Cette position de force semble certes dangereuse pour la sécurité juridique, mais elle permet de mettre le doigt sur le devoir de s'informer avant de contracter. Cependant, certaines informations sont difficilement accessibles, comme les vices cachés d'un immeuble, contre lesquels le législateur a dû protéger l'acquéreur, ou comme les informations spécifiques que seuls des professionnels peuvent penser à rechercher. On touche donc ici à la notion de dol, et plus particulièrement de ce qu'on appelle la réticence dolosive. A partir, de là on se rend compte que la dialectique savoir et ne rien dire soulève de nombreuses questions. [...]
[...] Tout d'abord, elle a reconnu que dans certaines conditions précises, le silence d'une des parties pouvait constituer un dol (voir notamment Cass. com avril 1959). Ensuite, elle a admis que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant au cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter (Civ. janvier 1971). Aujourd'hui, sa position va encore plus loin puisqu'elle va jusqu'à dire que si l'une des parties au contrat n'a pas suffisamment attiré l'attention de l'autre sur un élément d'ordre juridique, il y a également réticence dolosive. [...]
[...] Mais si la réticence dolosive porte sur ces éléments, peut-on vraiment invoquer un vice du consentement ? Les cocontractants se sont mis d'accord sur un contrat, mais après sa conclusion, l'une des parties s'aperçoit qu'un des éléments du contrat n'est pas celui qu'elle s'imaginait être, ou qu'on lui avait présenté, mais l'essentiel a été cependant respecté. Elle ne souhaitera probablement pas la nullité du contrat, mais peut-être la réparation morale de ce préjudice, ou éventuellement, quand les circonstances le permettent, la correction de l'élément. [...]
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