Pour un bon nombre de juristes en France, l'introduction d'une « class action à la française » viendrait porter un coup fatal à des principes essentiels de la procédure française (principe selon lequel « Nul ne plaide par procureur », principe du contradictoire), argument repris par le milieu patronal naturellement très hostile à une telle action.
C'est dans ce contexte qu'intervient en 2006 la proposition de loi présentée par M. Chatel visant à instaurer un recours collectif de consommateurs. Si l'on met de côté le débat sur la nécessité de l'introduction d'une telle action, apparemment tranché en 2006 par le gouvernement (résolution restée cependant sans effet jusqu'à aujourd'hui), la question des modalités de sa mise en œuvre semble essentielle.
L'exposé des motifs de la proposition de loi cherche d'emblée à couper court aux inévitables critiques, en évoquant les « excès du système américain » pour dire aussitôt que ce modèle de recours collectif met à l'abri le système français de ces dérives bien identifiées.
[...] Les rédacteurs de la proposition de loi pensent peut-être, en évoquant une telle allocation collective au mécanisme de cy-pres distribution (issu de l'expression normande cy-pres comme possible), qui peut consister en une réduction du prix d'un service pour un prix déterminé. L'exemple le plus évident qui vient alors à l'esprit est celui de la SNCF lorsqu'elle décide de diminuer le prix de la carte orange mensuelle pour des usagers victimes de grèves à répétition. Une autre zone d'ombre concerne les modalités de publicité de l'action. [...]
[...] C'est sous cet angle que nous évaluerons les mérites de ce spécimen de recours collectif avant de relever ses imperfections (II). Un modèle de recours collectif destiné à prévenir les dérives anglo- saxonnes Le recours collectif à la française se prémunirait des dérives anglo- saxonnes, agitées comme un chiffon rouge par ses détracteurs, par un contrôle important du juge, notamment sur la phase préalable au procès et par des modalités qui ménageraient les principes processuels français Par un contrôle étendu du juge Le contrôle de la recevabilité du recours collectif par le juge se justifie par le fait qu'un tel litige, qui va faire l'objet d'une publicité considérable eu égard au nombre de personnes concernées, peut entraîner un dommage injustifié à la société défenderesse alors même que celle-ci n'a pas encore pu faire valoir sa défense. [...]
[...] Cela n'est guère étonnant dans la mesure où le modèle québécois du recours collectif est souvent cité en exemple comme un modèle équilibré en comparaison avec le modèle américain. Cependant, un contrôle même poussé du juge sur l'engagement du recours collectif ne suffit pas à satisfaire ses détracteurs, en premier lieu le Medef pour qui l'argument selon lequel dès lors que serait introduite une procédure de recevabilité/certification/autorisation, on éviterait tout risque de dérapage est inexact, car il est probable qu'un tribunal, dès lors qu'une action ne serait pas complètement aberrante, jugerait l'action recevable laissant ainsi la porte ouverte à une mise en accusation publique des entreprises parfois injustifiée. [...]
[...] L'action de groupe, panacée ou cheval de Troie ? Joëlle Simon (directrice des affaires juridiques du Medef), Concurrences p 25 Décision 89-257 Loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion L'action de groupe est-elle soluble dans la Constitution ? Michel Verpeaux, Recueil Dalloz 2007 p 258 in Le nouveau code de procédure civile (1975-2006), Economica Le contentieux boursier né de la crise financière en France et aux Etats-Unis, Pierre Servan-Schreiber et Olivier Boulon, Revue trimestrielle de droit financier, mai 2009 Des «class actions» à la française ? [...]
[...] L'auteur va même jusqu'à préconiser son insertion dans le Code de justice administrative, arguant du fait que les personnes publiques elles aussi peuvent causer des préjudices collectifs L'action de groupe conclut-il, n'est pas un canon dirigé contre les entreprises, elle est un instrument de rationalisation de l'action juridictionnelle Un deuxième élément témoigne d'un certain manque d'ambition qui peut être préjudiciable à l'efficacité de ce recours collectif. En vertu de l'article L 422-1 tel que rédigé dans la proposition de loi, seules les associations de défense des consommateurs pourront agir en représentation des requérants. [...]
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