Parce qu'il est une institution dont le sens et la finalité dépassent les volontés individuelles, parce qu'il est un « bloc de granit », le mariage instaure entre les époux un ensemble de droits et de devoirs d'ordre personnel dont le régime échappe, pour l'essentiel, au pouvoir des conjoints. On parle alors de droits et de devoirs d'ordre public.
Longtemps dominée par un principe hiérarchique, la société conjugale française s'affirme aujourd'hui égalitaire. Pendant des siècles, lois et coutumes, avaient affirmé la prédominance du mari, constamment atténuée depuis une loi du 1938, pour disparaître en 1985, illustrées par le propos de Loisel dans ses Institutes coutumières : « femmes franches sont en la puissance de leurs maris et non de leurs pères ».
La loi du 18 février 1938 avait supprimé l'incapacité de la femme mariée, sans toucher à la puissance maritale. La loi du 22 septembre 1942 (loi du régime de Vichy) l'a fait disparaître, substituant à l'ancienne rédaction de l'article 213 du Code civil (rédaction de 1804) : « le mari doit protection à sa femme, la femme obéissance à son mari », un texte nouveau : « le mari est le chef de famille », ce qui en réalité ne constituait guère une évolution. Dans leur application pratique, les lois de 1938 et 1942 sont restées ineffectives.
La loi du 13 juillet 1965 avait maintenu au mari la qualité de chef de famille, mais lui avait retiré la prérogative de s'opposer à l'exercice d'une profession par sa femme. Elle a surtout porté réforme des régimes matrimoniaux, en conférant une entière indépendance à la femme dans la gestion de ses biens propres ou personnels, contredisant ainsi un principe posé par Loisel en 1761 dans son Traité des personnes et des choses : « cette puissance du mari sur la femme s'étend sur sa personne et sur ses biens ». La loi du 4 juin 1970 a remplacé la puissance matrimoniale par l'autorité parentale exercée conjointement par les deux époux. La loi du 11 juillet 1975, portant réforme sur le divorce, supprime la prérogative du mari de choisir la résidence des deux époux en cas de désaccord. Enfin, la loi du 23 décembre 1985 fit disparaître la prédominance maritale dans l'administration de la communauté, de la famille. Désormais, le gouvernement du mariage relève de la codirection.
Le Code civil consacre un chapitre aux « devoirs et droits respectifs des époux ». Or, dans la France actuelle, ces devoirs et droits respectifs se sont mués en droits et devoirs réciproques : l'égalité homme femme y est en effet conçue comme une identité des droits et des devoirs.
La question qui se pose à nous est de savoir en quoi consistent ces devoirs, ces obligations dites « extrapatrimoniales ». C'est dans ce cadre que nous analyserons dans un premier temps la nature de ces obligations (I). Ces obligations appellent des sanctions afin d'en assurer l'effectivité. Ces obligations connaissent également certaines limites. Les sanctions et les limites de ces devoirs feront l'objet d'une deuxième partie (II).
[...] Le devoir conjugal Le devoir conjugal est aussi appelé communauté de lit. Tous les auteurs et la jurisprudence s'accordent à dire que sous cette expression de communauté de lit se cache l'obligation pour les époux d'entretenir des relations sexuelles. La communauté de vie recouvre donc les relations charnelles entre mari et femme. Ces relations sont tellement importantes que les canonistes les qualifiaient de devoir conjugal par excellence (debitum conjugale). Le législateur, par pudeur et prudence, n'en parle pas directement. Ce devoir n'est pas absolu. [...]
[...] Pendant la procédure de divorce Le devoir de fidélité comme tous les autres devoirs du mariage - obligations d'ordre public - sont maintenus durant l'instance en divorce. Le seul devoir qui peut être aménagé par le juge est celui de la cohabitation. Néanmoins, la jurisprudence a admis la validité d'une convention portant atteinte à ce devoir à travers un jugement du TGI de Lille datant du 26 novembre 1999. Le TGI de Lille avait alors admis la validité d'une convention de divorce par laquelle les époux se dispensaient mutuellement du devoir de fidélité. [...]
[...] Avant la loi du 11 juillet 1975, la résidence familiale était caractérisée par trois éléments : le choix de la résidence incombait au mari ; la femme avait tout de même la possibilité d'obtenir du juge une résidence séparée quand celle choisie par le mari représentait un danger physique ou moral (ancien article 215 alinéa 2 du Code civil) ; la femme pouvait également refuser la résidence choisir par le mari en raison de son instabilité, de son insuffisance ou de sa fictivité ; la femme bafouée par le mari pouvait quitter la résidence familiale sans commettre de faute ; enfin, en cas de séparation de fait, la femme continuait à avoir domicile chez son mari. La loi de 1975 a supprimé la prédominance maritale et même l'unité de domicile : la résidence est choisie d'un commun accord entre les époux. Cette règle n'a pas eu, jusqu'ici, beaucoup de conséquences en droit civil. De même, la suppression de l'unité de domicile (article 108 du Code civil) n'a pas entraîné la disparition du devoir de cohabitation. [...]
[...] Ces obligations connaissent également certaines limites. Les sanctions et les limites de ces devoirs feront l'objet d'une deuxième partie (II). Des droits et devoirs réciproques Une distinction est faite entre, d'une part, des grands devoirs, qui constituent en quelque sorte le socle du mariage et d'autre part, des devoirs accessoires Les obligations essentielles du mariage Trois grands devoirs incombent aux époux : le devoir de communauté de vie le devoir de fidélité ainsi que le devoir de respect Le devoir de communauté de vie Ce devoir regroupe deux types d'obligations : le devoir de cohabitation ainsi que le devoir conjugal Le devoir de cohabitation En principe, les époux sont tenus de vivre ensemble, de partager le même domicile, le même toit. [...]
[...] Reste la question de savoir si un des époux peut demander au coauteur de l'adultère des dommages-intérêts. Quelle serait la faute ? La maîtresse d'un homme marié commet-elle une faute qui serait finalement une violation d'une obligation essentielle au mariage ? Apparemment non, car ce n'est pas elle qui est mariée. La Cour de cassation dans un arrêt de la 2e chambre civile datant du 5 juillet 2001 a énoncé le principe selon lequel la femme mariée pouvait rechercher la responsabilité de la maîtresse de son sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. [...]
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