La République française est aujourd'hui fondée sur le principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Et c'est dans le respect de ce principe que l'article 5 du Code civil défend aux juges « de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises ». De ces dispositions, il doit être logiquement déduit que les juges n'ont pas le pouvoir de créer du droit.
Aujourd'hui pourtant, le Code civil n'est plus dans sa lettre le reflet de la réalité : un fossé s'est creusé entre le droit écrit des titres III et IV du livre III du Code civil qui est resté figé (selon M. Mestre, plus de 90% des articles concernant les obligations conventionnelles ont conservé leur rédaction de 1804), et le droit positif pratiqué dans ces matières qui a quant à lui évolué, jusqu'à devenir selon certains auteurs (Carbonnier) un « nouveau droit des obligations ». Si cette évolution est liée à l'éclatement du droit des obligations dans d'autres réceptacles que sont le Code de la Consommation, et le Code de Commerce, c'est aussi essentiellement la jurisprudence qui contribue à faire évoluer le droit des obligations. L'ensemble cohérent des décisions rendues par les juridictions civiles, et au sommet par la Cour de cassation, a en effet quelque peu modifié l'horizon des droits des contrats et de la responsabilité délictuelle, les deux pans essentiels du droit des obligations.
[...] La jurisprudence s'autoproclame source de droit, en se servant du droit des obligations comme de tremplin. On peut voir l'arrêt du 8 juillet 2008 comme un signe de provocation, comme la volonté d'avoir le dernier mot de l'histoire, mais on peut peut-être considérer cet arrêt comme une manifestation de son assomption de sa responsabilité de source du droit. Problème constitutionnel de la séparation des pouvoirs : la jurisprudence n'est pas à sa place, mais ne devrait-on pas lui en faire une ? [...]
[...] Alors que les rédacteurs du Code civil ne concevaient cet alinéa que comme une entrée en matière, une simple annonce des règles spéciales à suivre, la jurisprudence en a extrait une véritable règle de droit, tant pour la responsabilité du fait d'autrui que du fait des choses. Le droit des obligations est par ailleurs le creuset de notions fondamentales du droit civil, telles la bonne foi (1134 al l'équité (1135). La jurisprudence permet par l'utilisation de notions du droit des obligations d'irriguer d'autres domaines du droit d'une certaine philosophie. On se rend compte que la limite entre l'interprétation et la création de normes est floue. B. [...]
[...] Alors qu'à l'époque du Code civil, la production comme le commerce se faisait dans de petites structures, et les échanges revêtaient un caractère personnalisé, et laissaient une réelle place à la négociation. La concentration économique et commerciale a engendré des disparités économiques, mais aussi de savoir, ce qui est manifeste dans les relations entre entreprises et particuliers, et aussi parfois dans les rapports entre professionnels. Et dans ce contexte, la liberté contractuelle permet au fort d'imposer sa loi au faible. À partir de ce moment, la jurisprudence, cherche à mettre en œuvre les moyens dont elle peut disposer, dans le but de rétablir un certain équilibre. [...]
[...] Il s'agit là d'une véritable jurisprudence de combat, et même d'un arrêt de règlement. La jurisprudence ici s'oppose ouvertement à la loi, en décidant de l'entrée en vigueur de cette dernière. Cette dernière décision est à rapprocher du mouvement jurisprudentiel tendant à ajuster dans le temps la portée de ses revirements par la C2C. Traditionnellement, les revirements de jurisprudence étaient rétroactifs (C2C 9 octobre 2001). La C2C considérait que son interprétation du texte s'incorporait au texte lui-même et que ce texte avait toujours eu le même sens, et donc remontait à son entrée en vigueur. [...]
[...] I L'utilité incontestable de la jurisprudence A. Un rôle d'interprète (le droit des obligations comme creuset de notions) Selon l'article 4 du Code civil : le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être puni comme coupable de déni de justice Or on le sait, les rédacteurs du Code civil en matière d'obligations contractuelles ont voulu laisser les parties les plus libres possibles de contracter comme elles le souhaitent, et ont donc posé des règles relativement générales, un cadre pour les conventions, afin de laisser s'exprimer la volonté des parties. [...]
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