Dans l'arrêt Compagnie Générale d'éclairage de Bordeaux, rendu le 30 mars 1916, le Conseil d'Etat a permis au juge de modifier une partie d'un contrat portant sur des indemnités. Depuis cet arrêt, en matière administrative le juge a le droit de réviser les contrats, lorsque les circonstances l'obligent. Ce principe n'est pourtant pas admis en droit civil.
L'alinéa 1 de l'article 1134 du Code civil stipule que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Ce principe d'intangibilité du contrat se fonde sur la théorie de l'autonomie de la volonté, qui donne, parce que la loi le permet, une force obligatoire au contrat. Cette force obligatoire est valable pour les parties, mais le Code civil ne précise pas si ce principe est également valable pour le juge.
En effet, le juge peut prononcer la nullité du contrat si le contrat n'adhère pas aux conditions requises pour sa validité, et pourquoi ne pourrait-il pas alors le modifier pour éviter de l'annuler, ou pour compenser un déséquilibre dû à des circonstances extérieures postérieures à la formation du contrat par exemple ? En droit contemporain, le juge voit son pouvoir s'accroître ; il est donc intéressant de s'intéresser à la place du juge par rapport au principe d'intangibilité du contrat. Les conséquences de ce principe sont-elles en effet les mêmes pour les parties et pour le juge ? Il est en effet important de délimiter le champ d'action de ce principe qui vient de la force obligatoire du contrat.
La question est alors de savoir si le juge, malgré le principe de force obligatoire du contrat reconnu par le droit positif, a le pouvoir de modifier le contrat.
[...] Puisque la bonne foi n'offre qu'une manière très limitée de modifier le contrat, il faut s'intéresser à d'autres mécanismes qui permettraient au juge de procéder à cette modification lorsqu'il en a besoin. L'interprétation créatrice va donner au juge une autre technique afin de modifier le contrat. B : l'interprétation, une autre manière pour le juge de modifier le contrat Il existe au-delà de l'interprétation explicative, une interprétation créatrice à laquelle peut procéder le juge lorsqu'il découvre dans le contrat des obligations qui n'y figuraient pas. C'est alors une autre façon de modifier le contrat. On appelle cela le procédé de forçage du contrat. [...]
[...] C'est pourquoi le juge ne doit pas modifier le contrat en théorie. En pratique, un arrêt de principe a été rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 mars 1876 : l'arrêt Canal de Craponne. Par cet arrêt la Cour de cassation consacre son refus d'une modification du contrat par le juge. En l'espèce, un particulier s'était obligé à faire construire un canal pour alimenter en eau les terres avoisinantes, en contrepartie de quoi les habitants de cette région devaient verser une redevance pour une certaine surface. [...]
[...] C'est pourquoi, petit à petit, ce principe consacré par la Cour de cassation va se voir tempérer : des exceptions vont permettre au juge de modifier le contrat dans certains cas : Une exception : une modification du contrat par le juge parfois acceptée Si la jurisprudence interdisant la modification du contrat par le juge est maintenue en principe, elle supporte en réalité plusieurs exceptions. La bonne foi serait en effet une manière pour le juge de voir son pouvoir s'accroître et ainsi de modifier le contrat. [...]
[...] C'est le cas de l'arrêt Huard. En l'espèce, une société pétrolière conclut un contrat de distribution exclusive avec un garagiste pompiste. A la suite d'une libération des prix, la société refuse, la société refuse de renégocier le contrat avec le particulier qui ne peut alors pas pratiquer de prix concurrentiels et se retrouve en difficulté. La Cour d'Appel donne raison au particulier et la société est assignée en paiement de dommages et intérêts. Celle-ci forme alors un pourvoi en cassation : la Cour de cassation rejette sa demande considérant qu'en privant le particulier des moyens de pratiquer des prix concurrentiels, la société pétrolière avait exécuté de mauvaise foi son contrat. [...]
[...] Ainsi, le juge ne peut pas créer un nouveau contrat, mais modifie le contrat initial. Par ailleurs, le Code civil permet au juge de modifier le contrat dans quelques hypothèses que sont le délai de grâce, dans l'article 1244 ; ou la révision des clauses pénales, dans l'article 1152, où le juge peut décider de modifier le montant de ces clauses prévues par les parties, lorsque le montant est dérisoire ou excessif. Mais ces hypothèses sont très réduites. Le projet Chancellerie introduit dans le droit civil une renégociation du contrat dans ses articles 135 et 136, en cas de changement de circonstances imprévisibles et insurmontables à condition qu'une des parties demande cette renégociation et qu'en cas de refus, le juge peut adapter le contrat avec l'accord des deux parties. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture