Juge créateur de droit, matière contractuelle, interprétation des contrats, arrêt Lubert du 2 février 1808, compétences des juges, arrêt Canal de Craponne du 6 mars 1876, réforme du droit des obligations du 10 février 2016, article 4 du Code civil, article 1135 du Code civil, révision judiciaire pour imprévision, arrêt Sodimat
"Le juge n'est que la bouche de la loi". Par ces lignes, écrites en 1748 dans son ouvrage "De l'esprit des lois", Montesquieu défendait un rôle minimal du juge, cantonné à une stricte application de la loi. Or, il est un domaine où le rôle interprétatif du juge peut être déterminant : il s'agit du droit des contrats. Les individus, en effet, se lient par des conventions ayant pour objet de créer des obligations ou de réaliser des transferts de propriété. Or, il arrive que les clauses contenues dans ces contrats ne soient pas suffisamment claires et nécessitent une interprétation, c'est-à-dire une recherche et une révélation de la volonté des parties, par le biais du juge, le magistrat judiciaire ou administratif chargé de rendre la justice en appliquant les lois.
Cependant, il apparaît aujourd'hui que ce juge est doté d'un pouvoir créateur de droit, dans le sens où il est amené à ajouter au contrat des clauses qui n'étaient pas prévues par les parties. Si la période révolutionnaire a fait triompher la vision de Montesquieu avec une grande méfiance à l'égard du juge et une limitation de ses prérogatives et de leur étendue, l'évolution va donc par la suite aller dans un sens favorable à sa liberté dans l'interprétation des contrats. En effet, son intervention apparaît nécessaire pour réaliser une interprétation subjective du contrat permettant de révéler la volonté des parties. Une première étape décisive est passée le 2 février 1808 à travers l'arrêt Lubert de la Cour de cassation qui pose que la question de l'interprétation du contrat est une question de fait et en attribue la compétence aux juges du fond.
[...] Concernant l'interprétation objective, il y dans la pratique, peu d'interventions du juge pour enrichir le contrat. Cela est par ailleurs conforté par le principe de séparation des pouvoirs tel que formulé par Montesquieu, qui veut que les fonctions législatives et exécutives, soit celles de créer la loi et de l'exécuter, soient confiées à des acteurs différents. Le juge n'est même pas considéré comme un pouvoir à proprement parler, mais comme la « bouche de la loi », l'intermédiaire entre la loi et le cas particulier. [...]
[...] Enfin seulement, si les parties n'ont pas réussi à se mettre d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin. Ainsi le régime de la révision pour imprévision est un parcours long qui traduit la volonté du législateur de faire jouer à la révision judiciaire un rôle préventif et exceptionnel, avec une préférence pour la renégociation : l'action du juge en matière de modification et de résiliation contractuelle est donc en réalité très limitée. [...]
[...] Le juge a ainsi pu la mettre à la charge d'une agence de voyages envers son client (première chambre civile février 2006), ou à n'importe quel vendeur envers l'acheteur (première chambre civile mai 2006). Il y a donc réellement un pouvoir créateur de droit contractuel de la part du juge, qui introduit des obligations dans certains types de contrats contre la volonté des parties et malgré le silence de la loi. Cependant le pouvoir créateur du juge ne passe pas seulement par l'ajout d'obligations dans les contrats, mais aussi par la possibilité qu'il ait désormais de réviser voire résilier les contrats grâce à une consécration légale de la révision judiciaire pour imprévision. [...]
[...] Enfin, la réforme du droit des obligations du 10 février 2016 marque la consécration légale de la révision judiciaire pour imprévision à travers son article 1195. Or l'intervention du juge par le biais d'ajouts, de modifications, voire de résiliations contractuelles apparait comme directement contraire au principe de liberté contractuelle, selon lequel les parties s'engagent librement et dans les conditions qu'elles déterminent, mais aussi au principe de la force obligatoire du contrat, principe qui fait du contrat la loi des parties, qui s'impose également à l'État comme au juge. [...]
[...] Le juge est-il réellement devenu créateur de droit en matière contractuelle ? Au regard du principe de séparation des pouvoirs, il est évident que la réponse ne peut être que négative, entrainant un contrôle de l'action créatrice du juge ce qui n'empêche cependant pas d'admettre que le juge est bel et bien créateur de droit contractuel Un juge créateur de droit contractuel Il est aujourd'hui admis que le juge puisse réaliser une interprétation créatrice mais aussi qu'il puisse réaliser une révision du contrat pour imprévision ce qui en fait un créateur de droit contractuel. [...]
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