Plus qu'une force obligatoire qui se limiterait aux obligations directes, le contrat crée un « effet de contrainte » qui s'applique à l'ensemble de la relation contractuelle selon l'expression de Jean-Luc Aubert. L'alinéa 1er de l'article 1134 du Code civil dispose que « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Cette formule pose comme principe fondamental l'intangibilité du contrat. Celui-ci se justifie par la nécessité, pour les parties, de maintenir leurs engagements, fruits de leur volonté et de leur consentement libre et éclairé. C'est à cet égard que le contrat représente la « loi » des parties. Garantie de cohérence, de stabilité et de sécurité juridique, l'irrévocabilité du contrat assure aux cocontractants la sauvegarde des intérêts qu'ils ont mis en œuvre lors de la conclusion du contrat. La force du contrat se manifeste à travers les droits et les obligations qu'elle fait naître à l'égard des parties mais aussi à l'égard des tiers dans la mesure où ceux-ci ne peuvent en ignorer les effets.
Le contrat est-il pour autant enfermé de façon immuable dans un carcan d'obligations ? Les parties peuvent-elles revenir sur leurs engagements sans être sanctionnées ? La volonté présente d'une partie peut-elle l'emporter sur sa volonté passée ? Si la marge de manœuvre des cocontractants est limitée par le rapport d'obligations dans lequel le contrat les insère, dans quelle mesure le juge peut-il interpréter, modifier, annuler ou révoquer le contrat ? Sur quels fondements le juge peut-il remettre en cause la volonté initiale des parties, c'est-à-dire faire primer la Loi sur « la loi des parties » ?
Si la force obligatoire du contrat s'applique aux parties qui en ont souhaité les effets, elle crée une situation de fait et de droit que les tiers sont tenus de prendre compte. Inspiré de l'adage latin selon lequel les actes conclus par les uns ne peuvent ni nuire, ni profiter aux autres, le principe de l'effet relatif des conventions, défini à l'article 1165 du Code civil, gouverne le rapport entre le contrat et les tiers. L'effet relatif limite les obligations aux parties et empêche de ce fait, tout tiers de devenir débiteur ou créancier d'une obligation sans avoir fourni son accord. Cependant, cela ne signifie pas que le contrat soit dépourvu d'effets à l'égard des tiers. Ainsi, les parties ont la capacité d'opposer leur contrat aux tiers, ce qui implique que ceux-ci ne peuvent pas, de façon délibérée, aller à l'encontre de la situation juridique créée. Le rôle des tiers ne se limite pas pour autant à une prise en compte passive de la relation contractuelle. Les tiers peuvent non seulement opposer le contrat aux parties mais ont également la capacité de se doter eux-mêmes ou de profiter de droits et obligations relatifs au contrat, sans pour autant en être partie. A cet égard, le principe de l'effet relatif des conventions souffre de son intangibilité.
Ainsi, malgré l' « effet de contrainte » créé par le contrat, sa force peut être remise en cause. Tout d'abord, par la capacité du juge à interpréter ou à modifier le contrat sans pour autant le dénaturer. Puis, par la possibilité de transmettre des droits et des obligations aux tiers ou de les faire intervenir avec un statut particulier dans la relation contractuelle. L'atténuation de la force du contrat est-elle un danger pour la sécurité juridique ? Ou au contraire, est-ce le constat que l'intangibilité du contrat met en danger la sécurité des parties qui a conduit à cette remise en cause de la force obligatoire du contrat ? Autrement dit, si en droit et en principe, le contrat revêt une forme rigide qu'il paraît difficile de contourner, la possibilité qu'offre la pratique de moduler les effets du contrat, n'est-elle pas garante de sécurité juridique dans la mesure où elle permet d'adapter le contrat aux circonstances ?
La portée du caractère obligatoire du contrat et ses effets à l'égard des parties attestent de la force du contrat, contrat qui demeure cependant sous le contrôle du juge (I). La force du contrat se manifeste également à l'égard des tiers puisque ceux-ci peuvent être intégrés bon gré mal gré à la relation contractuelle (II).
[...] Celle- ci intervient lorsqu'une partie le stipulant obtient de l'autre partie le promettant l'engagement compris tacite) qu'elle fera quelque chose au profit d'un tiers le bénéficiaire qui deviendra ainsi créancier du promettant sans être partie au contrat. Le stipulant s'engage en son nom personnel parce qu'il a un intérêt moral à agir. Si en principe la stipulation pour autrui n'est valide que dans des cas exceptionnels[9], la jurisprudence a depuis le XIXe siècle élargi, pour des raisons pratiques, son application (assurances sur la vie, en cas de décès). Si le bénéficiaire accepte la stipulation, le stipulant ne peut plus la révoquer. [...]
[...] En effet, admettre la révision reviendrait à porter atteinte à la sécurité contractuelle. La jurisprudence a tranché cette question du rejet ou non de l'imprévision sur le fondement de la force obligatoire du contrat en distinguant droit privé et droit administratif. En droit privé des contrats, il est admis depuis l'arrêt de principe Canal de Craponne du 6 mars 1876 qu'il n'appartient pas au juge de prendre en compte le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties. [...]
[...] Cependant, si cette représentation est imparfaite[7], c'est-à-dire que le représentant n'est pas investi d'un pouvoir de représentation (par la loi, le juge ou la convention), qu'il ne prend pas la qualité de représentant ou qu'il n'a pas la volonté de contracter, il n'y a pas de substitution immédiate du représenté au représentant. Le représenté ne deviendra partie que lorsque le représentant lui aura transmis le bénéfice du contrat. Si la promesse pour autrui est interdite, le Code civil (art. 1119) a admis la validité de la clause porte-fort. Se porter fort pour autrui, ne signifie pas s'engager pour autrui mais promettre qu'autrui s'engagera[8], c'est donc un engagement personnel. En général le porte- fort entretient une relation morale avec le tiers qui augmente ses chances de le convaincre. [...]
[...] Les effets de l'action directe à l'égard du tiers sont de deux ordres. En tant que mesure de sûreté, elle permet l'immobilisation de la créance du débiteur principal entre les mains du tiers. En tant que mesure d'exécution, elle crée un effet translatif grâce auquel le bénéficiaire peut exercer pleinement le droit de son débiteur contre le tiers. L'action directe ne décharge pas le débiteur principal de ses obligations. Le bénéficiaire échappe quant à lui à la règle du concours avec les autres créanciers du débiteur principal puisqu'il jouit seul de son droit préférentiel. [...]
[...] Les parties peuvent cependant prévoir des clauses pour se prémunir contre les changements indésirables postérieurs à la conclusion du contrat (clause d'indexation contre les variations monétaires, clause de renégociation du contrat en cas d'imprévision). La révision du terme intervient si le cocontractant n'exécute pas dans les délais convenus, voire après un sursis obtenu à l'amiable. Dans ce cas, le débiteur en difficulté peut se voir accorder un délai supplémentaire par les juges qui lui permettra d'échapper temporairement à ses créanciers. Le report du terme est stipulé à l'article 1184 du Code civil. Des délais de grâce peuvent être également octroyés par le juge en application des articles 1244-1 et suivants du Code civil. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture