Le Droit de la responsabilité civile est empreint d'un conflit puisque deux considérations, semblerait-il contradictoires, sont à opposer : d'une part, le souci que la victime de tout dommage en obtienne réparation, d'autre part, que l'auteur d'un dommage ne soit tenu de le réparer qu'autant qu'il aurait pu éviter de le causer et, plus précisément, qu'autant qu'il est coupable de l'avoir causé.
Historiquement, c'est d'abord la première considération qui fut consacrée puisque la victime était vengée, puis indemnisée, sans que soit examiné le caractère, correct ou incorrect, de la conduite de l'auteur. Le Droit romain a ensuite érigé un système de « délits nommés » selon lequel certaines fautes, limitativement définies, étaient génératrices de responsabilité. Mais sous l'influence du Droit canonique, la règle s'est généralisée en devenant applicable à toute faute, quelle qu'elle fût. C'est cet esprit qui fût repris par le Code civil en 1804. Ainsi, l'auteur d'un dommage en répond chaque fois qu'il est en faute.
Mais cette responsabilité fondée sur la faute est apparue, à la fin du XIXème siècle, comme insuffisamment protectrice des victimes face à un accroissement, tant quantitatif que qualitatif, des faits dommageables. Il a dès lors été élaboré la théorie de la responsabilité fondée sur le risque.
Le concept de responsabilité contractuelle, installé dans le Droit français au terme d'une évolution qui s'est développée au XIXème siècle, est devenu, bien que l'appellation ne figurât pas dans le Code, un droit de cité apparemment incontestable au XXème siècle. Et en présentant la règle édictée à l'article 1382 du Code civil, laquelle édicte le schéma tripartite de la responsabilité civile, comme une suite nécessaire du principe que nul n'a le droit de nuire à autrui édicté dans la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, le Conseil constitutionnel a conféré en 1999 à cette responsabilité une valeur constitutionnelle : toute faute dommageable appellerait réparation.
La nature spécifique de la responsabilité contractuelle se manifeste dans les conditions qu'une telle responsabilité suppose réunies. Certes, cette responsabilité s'établit sur le même schéma tripartite que la responsabilité délictuelle : il faut un fait du débiteur contractuel qui cause un préjudice à son créancier. Et il est vrai que la question de causalité ne présente aucune spécificité par rapport à la responsabilité délictuelle. Du reste, la théorie de la causalité a été élaborée pour la responsabilité civile dans son ensemble à partir de l'article 1151, qui est précisément relatif à la responsabilité contractuelle. Ici comme là, l'admission du caractère direct d'un dommage suppose que la relation de cause à effet entre le fait générateur et ce dommage n'apparaisse pas trop diffuse.
Ces deux responsabilités présentent une dualité absolue de nature. D'un côté, la responsabilité délictuelle existe entre des personnes qui n'étaient pas juridiquement liées auparavant, elle a une origine légale. De l'autre, la responsabilité contractuelle sanctionne des relations de contractants et trouve sa source dans le contrat qui les unit, les dommages et intérêts correspondant seulement à l'exécution forcée de celui-ci. Mais ces deux responsabilités se retrouvent à travers leur fonction et à travers également le fait générateur de responsabilité : la faute. Cette thèse, soutenue par Planiol relève que les deux responsabilités sanctionnent une faute consistant dans la violation d'une obligation préexistante. La faute étant le simple fait de ne pas se comporter comme un homme avisé, ce critère vaut aussi bien dans le cadre d'un contrat qu'en dehors de toute convention. Cette thèse unitaire a eu le mérite de mettre en lumière la profonde identité du principe dynamique des deux ordres de responsabilité : l'un et l'autre tendent essentiellement à la sanction d'une faute, qu'elle soit prouvée ou présumée.
Néanmoins, la double fonction que remplit la responsabilité contractuelle, compenser l'inexécution de l'obligation souscrite et réparer les dommages qui ont pu résulter de cette inexécution, confèrent à cette responsabilité une nature complexe et spécifique.
La faute, notion essentielle de la responsabilité civile, et reliant la responsabilité contractuelle à la responsabilité délictuelle conserve-t-elle la même place dans le schéma tripartite de ce droit : un fait, un dommage, un lien de causalité entre ces deux ?
Il convient dès à présent d'étudier plus précisément la notion de faute présente dans le Droit de la responsabilité civile (I) avant d'en observer son régime, ce dernier évoluant (II).
[...] Mais une inspiration opposée se rencontre aussi. On constate une semblable faveur à la théorie de la causalité adéquate dans les hypothèses de pluralité de causes, et notamment dans celles où une faute unique vient à produire un dommage en se conjuguant avec un événement de la nature. Lorsque le dommage est dû à plusieurs antécédents, parmi lesquels figure une faute du défendeur à l'action en responsabilité, celui-ci en répond-il néanmoins pour la totalité ou seulement de façon partielle ? [...]
[...] Le droit d'ester en justice peut aussi être utilisé de façon abusive. Expressément consacré par la loi, l'abus du droit d'ester en justice peut être relevé, soit à l'encontre du plaideur qui a intenté une action ou exercé une voie de recours sans aucune chance de succès, soit à l'encontre du défendeur qui a résisté à la demande dans les mêmes conditions. Là aussi, l'intention de nuire n'est pas nécessaire pour relever l'abus. En matière contractuelle, et s'agissant du droit de ne pas contracter, de prime abord, considérer un abus du droit de ne pas contracter serait aller à l'encontre de l'exigence d'un consentement libre au contrat. [...]
[...] La charge de la preuve va donc peser sur ce débiteur, et ce sera la preuve d'une force majeure. Une troisième catégorie, intermédiaire, est en train de voir le jour, dans laquelle le débiteur devrait rapporter simplement la preuve de son absence de faute pour se dégager. Il s'agit alors d'une obligation de résultat atténuée. Pour savoir de quelle obligation il s'agit, la loi ou les parties peuvent l'indiquer et, à défaut, il conviendra d'observer si le résultat est plus ou moins tributaire d'aléas d'extérieurs. [...]
[...] Cela s'inspire de la théorie de l'équivalence des conditions. Dans l'hypothèse d'une unité de faute causant plusieurs dommages, il s'agit d'hypothèses où, à la suite d'une seule faute, des dommages se produisent en cascade. Ce sont notamment les préjudices par ricochet. La série des conséquences apparues à la suite de la faute initiale peut se révéler très longue voire illimitée. En matière contractuelle, l'article 1151 du Code civil dispose que le responsable ne doit réparer que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention Cette règle a été transposée à la responsabilité délictuelle. [...]
[...] Le raisonnement s'intègre dans l'équivalence des conditions. En présence d'une pluralité de fautes mais d'unité du dommage, et plus particulièrement de fautes simultanées de plusieurs coauteurs, c'est une obligation in solidium qui lie les coauteurs et la victime. La jurisprudence a choisi le système de causalité totale, à savoir que chacun des coauteurs répond de la totalité du dommage parce que sa faute en a été la condition sine qua non et par conséquent la cause. La victime peut dès lors choisir vers lequel des coauteurs se retourner, ce qui lui permet de n'engager qu'une seule action et de se garantir davantage de la réparation. [...]
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