Le droit des contrats français repose sur le principe de l'autonomie de la volonté : seules les parties prenantes à un contrat peuvent le modifier. Il s'impose en effet, à la fois au législateur et au juge. La nouvelle loi votée n'a ainsi aucune incidence sur les contrats en cours, ni sur les effets passés, ni sur les effets futurs, à moins qu'il ne soit question d'intérêt général.
Cependant, certains contrats peuvent être annulés par le juge en raison de leur caractère déséquilibré au moment de la conclusion.
Il existe d'autres types de déséquilibres qui ne surgissent qu'une fois le contrat conclu. Il s'agit traditionnellement de contrats de longue durée, comportant des prestations réciproques pour lesquelles un des cocontractants n'a pas pensé à se prémunir contre les effets de l'érosion monétaire ou d'une possible hausse subite des matières premières. Dans ce dernier cas, un fabricant de produits finis serait donc obligé de vendre à perte alors qu'il espérait tirer du contrat un bénéfice important. Ces changements du contexte économique dans lequel a été conclu le contrat sont imprévisibles, d'où le terme d'imprévision pour qualifier le changement de circonstances postérieur à la conclusion du contrat, qui créé un déséquilibre en défaveur d'un des contractants.
S'est alors posée la question d'une éventuelle révision pour imprévision des contrats. La Cour de cassation a repoussé le principe d'une telle révision par l'arrêt Canal de Craponne du 6 mars 1876, en estimant sur la base de l'article 1134 du Code Civil que des conventions conclues entre 1560 et 1576 qui portaient sur la fourniture d'eau pour alimenter des canaux d'irrigation ne pouvaient être révisées en raison de la baisse de la valeur de la monnaie et de la hausse du coût de la main-d'œuvre. Bien qu'énormément discutée par la doctrine, qui reste largement attachée aux principes d'autonomie de la volonté et de force obligatoire du contrat, et remise en cause sur le fondement de l'alinéa 3 de l'article 1134 du Code Civil –la bonne foi- par la Chambre Commerciale par l'arrêt Huard du 3 novembre 1992, cette décision fait toujours jurisprudence, bien qu'elle créé souvent des situations injustes car déséquilibrées.
L'idée de revenir sur la prohibition de la révision pour imprévision serait donc attirante, puisque ce principe crée des situations absurdes et injustes. Est-ce pour autant une bonne idée ?
[...] En effet, la révision judiciaire du contrat est autorisée par le juge dans différents cas. En premier lieu, d'après l'article 900-2 du Code Civil[6], le juge peut prendre en compte l'évolution des circonstances économiques en matière de libéralités, qui peuvent se définir par les charges et conditions qui grèvent les donations ou les legs. Il peut aussi, d'après les termes de l'article 1244-1[7] de ce même Code accorder au débiteur un délai de grâce, ou encore d'après l'article 1152-2[8] réviser une clause pénale si elle est manifestement excessive ou dérisoire. [...]
[...] D'un point de vue économique enfin, la jurisprudence de la Cour de Cassation prohibant la révision pour imprévision se justifie dans la mesure où les variations monétaires que les parties lésées attaquaient, font partie des politiques économiques et monétaires, le juge risquant ainsi de les perturber si, de sa propre autorité, il posait un principe général de révision des contrats. B. Un principe souple Le particularisme français est en outre à nuancer puisque certaines dispositions légales permettent au juge de modifier un contrat en cas d'imprévision. Le législateur dispose donc d'un pouvoir de révision. [...]
[...] Les juges administratifs ont donc accepté la théorie de l'imprévision. Cette jurisprudence a été consacrée par la circulaire du 20 novembre 1974 relative à l'indemnisation des titulaires de marchés publics en cas d'accroissement imprévisible de leurs charges économiques. Il est généralement retenu que cette différence de jurisprudence entre le droit civil et le droit administratif, est motivée par la nécessaire continuité du service public La chambre commerciale de la Cour de Cassation a cependant déjà retenu cette théorie le 3 novembre 1992 en acceptant le pourvoi d'un distributeur soumis à une concurrence accrue qui voulait renégocier le contrat qu'il avait conclu avec son fournisseur. [...]
[...] Une harmonisation européenne Le droit européen des contrats, tout comme la majorité de la doctrine française, ne souhaite pas revenir sur la force obligatoire des contrats. Le principe Pacta Sunt Servanta reste la règle, comme le rappelle la Commission Lando : les parties sont tenues de remplir leurs obligations quand bien même elles seraient devenues plus onéreuses Les différents projets d'harmonisation ou de rédaction d'un Code Européen des Contrats relèvent cependant une exception qui porte atteinte à la force obligatoire du contrat dans le but de rééquilibrer les contrats en cas d'imprévision. [...]
[...] L'idée de revenir sur la prohibition de la révision pour imprévision serait donc attirante, puisque ce principe crée des situations absurdes et injustes. Est-ce pour autant une bonne idée ? Nous verrons que si un tel changement constitue une modernisation du droit des contrats la situation actuelle ne nécessite pas forcément un tel changement Le retour la prohibition de la révision pour imprévision : une modernisation du droit des contrats Un revirement de principe sur la question de la révision pour imprévision constituerait tant une rationalisation du droit français qu'une harmonisation européenne qui mettrait fin à des situations absurdes et injustes, issues d'un changement de contexte économique. [...]
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