La question de l'exécution des contrats en cours dans le cadre d'une procédure collective présente l'originalité d'associer le droit des entreprises en difficulté au droit des obligations dans le but d'assurer le sauvetage des entreprises économiquement viables. Il en est résulté la consécration d'un régime spécifique. Par bien des côtés, le droit des procédures collectives fait exception à toutes les règles car, face à un débiteur en cessation des paiements, l'application du droit commun ne permettrait ni d'assurer l'égalité des créanciers ni le redressement de l'entreprise.
Puisque nécessité n'a pas de loi, cette situation de pénuries conduit à appliquer des règles dérogatoires pour tenter de limiter les conséquences d'une défaillance qui compromet la sécurité du crédit. C'est pourquoi le législateur a prévu de nombreuses dérogations au droit commun des contrats comme l'illustre le régime spécifique de la continuation des contrats en cours dans le cadre d'une procédure collective.
Aujourd'hui, la poursuite des contrats en cours déroge donc au droit commun des contrats de façon justifiée, afin de permettre la réalisation des objectifs des procédures collectives, et plus précisément ceux de la période d'observation (article L.622-9 du Code de commerce : « l'activité de l'entreprise est poursuivie pendant la période d'observation »). Cette dernière, définie à l'article L.621-3 du Code de commerce, constitue une phase de réflexion suivant le jugement d'ouverture pendant laquelle la sauvegarde du potentiel économique de l'entreprise doit être assurée.
Par conséquent, l'administrateur, dans un souci de maintenir la société en vie, effectue un tri parmi les contrats liant le débiteur. Certains, indispensables à la survie de l'entreprise, doivent impérativement être maintenus alors que d'autres constituent une charge trop lourde à supporter. Ce choix est discriminatoire car l'administrateur continue les seuls contrats intéressants pour le débiteur et abandonne les autres, ne laissant au cocontractant qu'un recours en dommages et intérêts, le plus souvent illusoire.
Il s'exerce grâce à un droit d'option, d'ordre public, à la suite d'une mise en demeure adressée par le cocontractant du débiteur. Par ailleurs, ce droit permet à l'administrateur de faire face aux risques pesant sur le débiteur en difficulté de voir ses relations contractuelles rompues, soit par le jeu d'une clause résolutoire soit par le biais de l'exception d'inexécution (exceptio non adimpleti contractus).
Le droit d'option déroge ainsi au droit commun de la résiliation des contrats pour inexécution afin que l'entreprise conserve ses clients, fournisseurs, banques et bailleurs, tout en donnant certaines garanties aux cocontractants contraints (objet de l'exposé suivant : les créanciers postérieurs).
Il convient, dès lors, de se demander, aux vues de ces divers éléments, dans quelle mesure la continuation des contrats en cours, indispensables à la poursuite de l'activité de l'entreprise lors d'une procédure collective, constitue une spécificité du droit des obligations.
[...] Le choix de la renonciation au contrat en cours Le mécanisme de l'exécution des contrats en cours dans le cadre d'une procédure collective provoque dans certaines circonstances la rupture du contrat. La rupture, tout d'abord, peut être la résultante de l'exercice de l'option par l'administrateur ou, à défaut, par le débiteur qui peut renoncer seul à la continuation du contrat sans autorisation du juge-commissaire ou avis du mandataire judiciaire. Depuis la réforme législative du 10 Juin 1994, l'article L 622-13 alinéa 1 du code de commerce dispose que le contrat doit être résilié de plein droit en cas de renonciation consécutive à une mise en demeure. [...]
[...] Autrement dit, le contrat initialement poursuivi est automatiquement résilié si l'administrateur n'exécute pas le contrat en raison du défaut de versement par celui-ci des fonds nécessaires à l'échéance au cocontractant. Un arrêt rendu par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation le 7 Novembre 2006 a indiqué que cette rupture n'interviendrait que si l'administrateur avait opté pour la continuation du contrat. La rupture des contrats non continués ipso facto ou après une période d'exécution est manifestement préjudiciable à l'encontre du cocontractant. Ce dernier a-t-il alors le droit à des dommages et intérêts? [...]
[...] A contrario, si le débiteur ne souhaite pas poursuivre le contrat, il n'a nul besoin d'un avis du mandataire judiciaire. En cas de désaccord entre débiteur et mandataire judiciaire, l'article L.627-2 et l'article 169 du décret du 28 décembre 2005 (actuel article R.627-1 du code de commerce) prévoit que le juge-commissaire tranchera cet éventuel litige à la demande de tout intéressé. L'esprit des textes est donc de donner au juge-commissaire un pouvoir général de décider la poursuite du contrat s'il est saisi à la demande de tout intéressé en cas de désaccord entre débiteur et mandataire judiciaire, et même en cas d'absence d'accord car c'est souvent l'absence d'accord qui fait obstacle à la poursuite du contrat et justifie l'arbitrage du juge-commissaire. [...]
[...] Au contraire, la doctrine restrictive de la notion de contrat en cours se fonde sur l'existence d'un besoin du débiteur en redressement judiciaire. Grâce à elle, le fondement de l'article L622-13 n'est pas dénaturé comme il l'est avec la théorie extensive octroyant le statut de créancier postérieur à un plus grand nombre. Type de contrats La loi est très générale pour désigner les contrats concernés puisque l'article L622-13 du Code de commerce dispose qu' aucune indivisibilité, résiliation ou résolution du contrat ne peut résulter du seul fait de l'ouverture de la procédure Ni la loi ni la jurisprudence ne donne de liste limitative ou exhaustive de contrat pouvant être dit en cours. [...]
[...] La cour de cassation a donc opté pour la conception restrictive de la notion de contrat en cours (Cass. Com.09 avril 1991, Bull. civ. IV n°127). Une même solution est rendue en matière de contrat de vente comprenant une rente viagère. Le contrat n'est plus en cours lorsque le transfert de propriété a eu lieu au jour de la vente réalisée avant l'ouverture de la procédure, peu importe que le paiement s'étale dans le temps (Cass. Com mars 1999). [...]
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