La technique de dépossession systématique, qui apparaissait rudimentaire et anti-économique, a conduit à la reconnaissance d'une sûreté sans dépossession. Cette dernière, quant à elle, est une sûreté réelle mobilière constituée sur un bien que le débiteur, établi gardien de ce bien, est autorisé à conserver entre ses mains. On va donc conférer au créancier un droit réel accessoire sur un ou plusieurs biens du débiteur ou du constituant sans que ce dernier soit dépossédé.
Même si ancien qu'il soit, le droit de rétention, entraînant la dépossession du débiteur, suscite des controverses lorsqu'il est confronté à une absence sans dépossession. C'est pourquoi il convient de se demander si le droit de rétention peut coexister avec une absence de dépossession.
[...] La chose a été remise spécialement au créancier pour garantir sa créance. Dans cette hypothèse, spécifiée à l'alinéa premier de l'article 2286, il y a bien dépossession. Ensuite, le droit de rétention n'est envisageable que s'il y a une connexité matérielle ou juridique entre la créance et le bien retenu. D'une part, la connexité juridique intervient lorsqu'au sein d'un même contrat existe une interdépendance entre deux obligations, celle d'une créance et d'une obligation de livrer. La créance impayée résulte du contrat obligeant à livrer. [...]
[...] Mais la généralisation du droit de rétention fictif à cette nouvelle forme de gage suscite quelques critiques. On peut se demander si cette généralisation du droit de rétention fictif à l'égard du créancier bénéficiant d'un gage sans dépossession est vraiment efficace. Tout d'abord, avec le droit de rétention avec dépossession, le créancier ne bénéficiait d'aucun droit de suite ou droit de préférence. On peut dès lors s'étonner que l'apparition de ce droit de rétention fictif ne soit pas venue pallier ces inconvénients alors qu'il est apparu dans le but d'être avantageux pour les créanciers. [...]
[...] La définition même du droit de rétention apparaît déjà comme antinomique et incompatible avec l'hypothèse d'une absence de dépossession. Ce principe de l'existence d'une dépossession découle donc du fondement même du droit de rétention. Dès 1804, les rédacteurs du Code civil ont institué un droit de rétention dans des hypothèses particulières, tant dans les rapports contractuels qu'extracontractuels. La jurisprudence a par la suite généralisé ce droit et l'a accordé dans tous les cas où existe un lien de connexité entre la créance et la chose ou entre la créance et la détention de la chose. [...]
[...] Le droit de rétention était donc limité au seul créancier titulaire d'un gage avec dépossession. En effet, le gage sans dépossession était encore dépourvu de droit de rétention, ce qui réduisait considérablement l'efficacité de la mesure entreprise par la réforme de 2006. On retrouvait toujours cette remise matérielle du bien gagé entre les mains de ce créancier. La sûreté du créancier tenait à la possession qu'il avait de la chose. Mais le législateur a progressivement entrepris un assouplissement général de la dépossession comme condition du droit de rétention. [...]
[...] La condition primordiale de la détention du bien par le créancier rétenteur met en exergue une incompatibilité entre le droit de rétention et l'absence de dépossession, sans laquelle on aboutirait à une dématérialisation du droit de rétention. Une dématérialisation contestée du droit de rétention Historiquement et classiquement, il est énoncé que le droit de rétention peut porter, en principe, sur tout bien corporel. La chose détenue peut aussi bien être mobilière qu'immobilière. Encore faut-il toutefois que la chose que l'on prétend retenir soit dans le commerce juridique et ce peu importe qu'elle est ou non intrinsèquement une valeur marchande. [...]
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