A priori bien distincts, puisque l'un porte sur une chose à livrer (entreprise) et l'autre sur un travail à effectuer, ces deux contrats se rapprochent lorsqu'il s'agit de transférer au client une chose future qui reste à fabriquer : son auteur s'engage alors à la fois à faire et à donner.
Point de difficulté si le client est déjà propriétaire de la chose à travailler (réparation) ou encore s'il fournit les matériaux à mettre en œuvre pour une fabrication (tissus à façonner par exemple): on est alors à l'évidence dans un contrat d'entreprise.
Point de difficulté non plus lorsque à l'extrême inverse, le contrat porte sur la vente d'un produit fini, même s'il prévoit un délai de livraison permettant au vendeur qui ne l'a pas en stock de finir de le fabriquer : contrat de vente sans conteste.
L'hésitation apparaît lorsque la chose est fabriquée à la demande du client avec des matériaux fournis par l'entrepreneur, cette fabrication constituant l'objet même du contrat : comment distinguer alors la vente de chose future et le contrat d'entreprise ?
[...] * S'agissant de meubles, le critère classique retenu par la jurisprudence était purement matériel: c'est l'élément représentant la valeur économique la plus importante qui attirait la qualification, de sorte que le contrat était une vente si les matériaux fournis ont plus de prix que le travail apporté et un contrat d'entreprise, dans l'hypothèse inverse. C'est ce critère qui se retrouve dans la convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises dont l'article 3 exclut les contrats «dans lesquels une part prépondérante de l'obligation de la partie qui fournit les marchandises consiste en une fourniture de main d'oeuvre ou d'autres services». [...]
[...] Elle connaitra un renouveau au 19e siècle, et se retrouvera dans la loi uniforme sur la vente internationale d'objets mobiliers corporels de 1955. Cette solution avait le mérite de la simplicité, mais se heurtait toutefois aux articles 1787 et 1788 du Code civil envisageant le cas ou le travail est exécuté sur une matière fournie par l'entrepreneur. Aussi a-t-elle été abandonnée au profit de la règle «l'accessoire suit le principal» dont la mise en œuvre conduisait à distinguer selon qu'on se trouvait en matière immobilière ou mobilière. [...]
[...] Au terme d'une évolution assez rapide, la Cour de cassation a posé un nouveau critère, qui s'applique tant en matière mobilière qu'immobilière : il s'agit travail spécifique Il y a contrat d'entreprise et non-vente dès lors que le professionnel est chargé de réaliser un travail spécifique en vertu d'indications particulières ce qui exclut toute possibilité de produire en série. Mais il faut une réelle particularité: il s'agit d'une vente si la commande ne présente aucune particularité spécifique, et ce, même si elle a été choisie sur les spécifications indiquées par le client ou même fabriquée à sa demande, mais sans aucune particularité. Mais si, outre la fabrication, le professionnel est chargé de la pose des éléments fournis, il y a alors contrat d'entreprise même s'il porte sur l'installation d'un objet de série. [...]
[...] Inversement, l'entrepreneur, s'il est sous-traitant, bénéficie des protections organisées par la loi du 31 décembre 1975 que ne peut invoquer un fournisseur 5. Quant à la résiliation du contrat, le maître peut parfois résilier unilatéralement un contrat d'entreprise, possibilité qui n'est pas ouverte à l'acheteur Quant aux clauses de non-responsabilité, elles sont nulles en matière de vente dès lors que le vendeur est un professionnel, alors qu'elles sont en principe valables dans un contrat d'entreprise Quant à la prescription, écoutée de l'article 2272 pour les ventes faites par un marchand à un particulier, qui ne s'applique pas au contrat d'entreprise Enfin, une différence importante apparaît dans le régime peu cohérent des chaînes de contrats, tel qu'il résulte de l'arrêt d'Assemblée plénière en date du 12 juillet 1991: en effet, en cas de ventes successives, le sous-acquéreur peut agir contre un vendeur initial sur le terrain de la responsabilité contractuelle, tandis qu'en cas de contrats d'entreprise successifs, cette action doit se situer sur le terrain délictuel. [...]
[...] Intérêts de la distinction Les enjeux de la distinction des deux contrats sont nombreux 1. Quant à la validité du contrat, le prix est un élément essentiel du contrat de vente, il doit être déterminé lors de la conclusion du contrat, sous peine de nullité alors que dans le contrat d'entreprise, il peut être fixé postérieurement à la conclusion du contrat Quant au transfert de propriété et des risques, il ne s'effectue pas au même moment : il intervient dès que la chose est achevée dans la vente, mais dans le contrat d'entreprise, seulement au moment de la réception de l'ouvrage achevé par le maître 3. [...]
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