Pour Philippe Delebecque, deux contrats dont la dénomination diffère peuvent parfois s'apparenter au point qu'il est difficile de les différencier. La doctrine se joint à lui pour exprimer les plus grandes réserves quant à la distinction du contrat de mandat et du contrat d'entreprise. En effet, si ces deux contrats pouvaient être aisément discernés il y a deux siècles, les deux notions ont évolué et le critère de distinction semble s'être évanoui en même temps qu'il a changé. Ceux-ci présentent aujourd'hui la particularité d'être l'un et l'autre des contrats par lesquels une personne s'engage à exécuter de façon indépendante un travail pour autrui. Ils naissent tous deux, en ce sens, d'un accord, source d'un engagement d'exécuter une obligation de faire.
Mais, l'examen plus approfondi des définitions de chacun semble révéler une réelle différence d'objet. En effet, l'article 1984 du Code civil définit le mandat comme un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et « en son nom ». Cette définition semble donc impliquer une mission de représentation, mission que seul un acte juridique est susceptible d'accomplir. Ce dernier est ordinairement défini comme une manifestation de volonté ayant pour objet et pour effet de produire une conséquence juridique. Or c'est précisément cet acte dont semble dénué le contrat d'entreprise, que la jurisprudence appréhende, en l'absence de définition légale, comme un contrat par lequel une personne s'engage moyennant une rémunération, à accomplir de manière indépendante un travail au profit d'une autre sans la représenter. Ce dernier est donc caractérisé par la simple exécution d'une prestation matérielle ou intellectuelle pour cette personne, sans contracter ni en son nom ni pour son compte.
Dès lors, la question se pose de savoir si la véritable distinction entre les contrats d'entreprise et de mandat, si distinction il y a, repose sur l'objet du contrat, à savoir sur la nature de l'acte commandé par la mission.
Le contrat de mandat, en ce sens, consisterait à accomplir des actes juridiques pour autrui, à la différence du contrat d'entreprise qui impliquerait l'exécution d'actes matériels pour autrui. Il s'agira donc de rechercher si la distinction repose sur cette simple affirmation ou si d'autres fondements méritent au contraire d'être soulignés. Si ces contrats étaient envisagés par le Code civil comme des « petits contrats », force est de constater leur importance actuelle et corrélativement la nécessité pratique de les distinguer. Mais surtout leurs régimes juridiques diffèrent sur des points essentiels : l'action contre le maître est à la différence du contrat de mandat exclue du contrat d'entreprise; l'obligation du mandataire est de plus une obligation de moyen tandis que l'entrepreneur est tenu à une obligation de résultat. Le mandat finit par la mort de l'une ou l'autre des parties, alors que le contrat d'entreprise s'éteint uniquement par celle de l'entrepreneur. Le principe de la révocation ad nutum ne s'applique quant à lui qu'au contrat de mandat. Enfin, et sans prétendre à l'exhaustivité, la solidarité de plein droit ne joue que pour ce dernier.
Il convient donc de déterminer la cause d'un tel concept afin de dégager un critère élémentaire qui s'applique tout autant aux contrats simples qu'aux contrats dans lesquels les missions les plus diverses s'entremêlent.
Or, si la distinction semble malaisée et qu'aucun critère n'apparaît véritablement satisfaisant (I), celui de l'objet demeure solide et déterminant de la qualification dans chacun des contrats, qu'ils soient simples ou complexes (II).
[...] B - L'intérêt d'un critère de distinction déterminant Si le critère est aussi efficace s'agissant des contrôles complexes la confrontation des deux contrats ne peut empêcher certaines interrogations, et notamment l'intérêt actuel d'une telle distinction de l'objet 1 - Une qualification dans les contrats complexes fonction On a pu voir l'existence de contrats dits complexes où se mêlent des actes de nature différente, ce qui suscite une réelle difficulté de qualification Pour juger de l'efficacité du critère de l'objet, il suffirait de constater que la qualification du contrat dépend de l'objet. Ce ne serait qu'à ce moment là qu'il permettrait une réelle distinction. Or la nature de l'acte dans les contrats complexes, tout autant que dans les contrats simples, permet de déterminer la qualification de la convention. En ce sens, la dénomination mandat ou entreprise dépend seulement de la nature juridique ou matérielle de l'acte litigieux. C'est précisément ce que l'on appelle une qualification distributive, par opposition à celle unitaire, dont on a examiné les difficultés. [...]
[...] En pratique, force est de constater l'existence de contrats complexes qui mêlent l'exécution d'actes juridiques et matériels, à commencer par celui de mandat. Pour Patricia Trisson-Collard, les actes matériels peuvent être considérés comme accessoires et ne disqualifient pas le contrat. Les actes matériels ne poseraient donc aucune difficulté puisqu'ils sont tellement liés à l'acte principal qu'ils ne relèvent pas d'une autre qualification. Ils s'analysent comme des obligations accessoires par nature, dans la mesure où ils ne sauraient exister sans l'obligation principale sur laquelle ils se fondent Ainsi, quoique le mandat comporte des actes matériels, ceux-ci, accessoires de l'acte juridique, n'empêche en rien la qualification de mandat. [...]
[...] Labarthe, assurément non : un changement d'appellation n 'est pas forcément le simple reflet d'une mode. Son adoption par la doctrine au milieu de notre siècle montre qu'un changement s'est produit, par nécessité L'évolution de la dénomination du contrat révèle donc une mutation plus profonde, de sa conception et de son contenu. Le terme louage d'ouvrage renvoie en effet à la rémunération de la force de travail, activité auparavant méprisée, d'où le choix de qualifier l'acte en contrat d'entreprise formulation plus neuve. [...]
[...] Quant à l'agent immobilier, également qualifié de mandataire dans les articles 4 et 9 de la loi du 2 janvier 1970, il ne reçoit pour mission que l'entremise et la négociation. Enfin, le législateur nomme mandat d'intérêt commun le contrat conclu entre un promoteur immobilier et le maître de l'ouvrage. Pourtant, si le promoteur dispose effectivement d'un pouvoir de représentation pour conclure les contrats nécessaires et exécuter les tâches administratives et financières, cette mission ne constitue que l'accessoire de l'exécution des actes matériels. Or on l'a vu, la théorie de l'accessoire n'est efficace que dans un sens. Faut-il pour autant dénaturer la qualification du mandat ? [...]
[...] Mais on pouvait en douter si l'on considère la nature purement technique de sa mission. La Cour de Cassation soutient cette qualification dans arrêt du 16 juin 1998. Dans l'arrêt Nitescu du 2 mars 1993, la Cour de Cassation qualifiait le contrat de commission de mandat, malgré l'absence de représentation qu'on leur connaît. De même, l'arrêt du 2 février 2000 étend la qualification de mandat aux distributeurs et diffuseurs de presse. Ainsi, peu importe semble t-il qu'il s'agisse d'actes matériels. [...]
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