Aucun texte ne pose l'exigence d'un prix en droit commun des contrats. Cette exigence est uniquement mentionnée pour certains contrats spéciaux (article 1709 pour le bail, article 1710 pour le contrat d'entreprise), et surtout il pose la nécessaire détermination du prix pour la vente, à l'article 1591. Quant aux autres contrats, aucune disposition relative au droit commun des contrats ne traitant explicitement de cette question, ils font l'objet de lacunes concernant cette question, ce qui a engendré une abondante jurisprudence.
La problématique de la détermination du prix dans les contrats de fourniture est donc à envisager dans la problématique générale de la détermination du prix dans les contrats-cadres, et notamment des contrats de concession. Ces contrats sont caractérisés par une certaine dépendance économique et ce sont des contrats à exécution successive.
Alors que, selon la formule de Carbonnier, la question de la détermination de l'objet dans le contrat était longtemps restée « un îlot de paix », elle s'est posée en ce qui concerne le prix à partir des années 1970, face au développement de tels contrats. Ainsi, la question de la détermination du prix dans les contrats en général, et dans les contrats de fourniture en particulier, est devenu un sujet phare du droit des obligations. En effet, cette question s'est posée en matière de contrats de concession (de distribution et de fourniture), mais elle a eu un impact sur le droit commun des contrats. Il convient alors de se demander comment cette problématique a évolué, par le biais de la jurisprudence. En effet, si une première phase a été caractérisée, à partir des années 1970, par l'exigence d'un prix, cette exigence n'est plus une condition de validité du contrat depuis le revirement de jurisprudence de 1995.
[...] La pratique a alors tenté de s'adapter en mettant au point des clauses répondant toutefois difficilement aux exigences de la Cour. La doctrine a alors amplifié ses critiques en soulignant que la position de la Cour était préjudiciable à la sécurité juridique, puisque la quasi-totalité des contrats de distribution et de fourniture se trouvait alors à la merci d'une action en nullité. Par ailleurs, les règles relatives à l'indétermination du prix étaient fréquemment détournées de leur objectif pour être invoquées, non en cours de contrat pour mettre en cause des prix injustes, mais après l'expiration de celui-ci, pour mettre fin à des engagements sans rapport avec le prix. [...]
[...] La Cour de cassation utilise des critères assez divers pour caractériser l'abus: par exemple, de façon audacieuse, le fait que les profits aient été en priorité distribués aux actionnaires au lieu de venir soutenir les concessionnaires en difficulté financière. C'est l'exemple de l'arrêt de la Chambre commerciale du 15 janvier 2002, dans lequel est retenu l'abus d'un importateur de véhicules qui impose aux concessionnaires des sacrifices mettant en péril leur activité. Selon M. Jamin, l'ouverture indirecte par la Cour de cassation, dans ses arrêts de 1995, d'une brèche en rendant possible le contrôle d'une clause contractuelle celle relative au prix par le biais de la théorie de l'abus des droits, est un moyen d'éviter l'impasse. [...]
[...] La question est alors de savoir si ce type de clause est valable ou non au regard de l'article 1129. Il fut plaidé que le prix était certes structurellement déterminable, mais que les procédés par lesquels il l'était par exemple, le tarif du fournisseur dépendaient en réalité de la volonté unilatérale de l'une des parties, car l'autre partie était en situation de dépendance économique notamment puisque ces contrats sont souvent des contrats dits d'approvisionnement exclusif, ce qui ne permettait pas à la partie en question de s'opposer à cette détermination unilatérale du prix. [...]
[...] Ces quatre arrêts se ralliant à la solution en vigueur dans la plupart des systèmes civilistes admettent donc tout d'abord incontestablement la validité de principe du contrat-cadre ne prévoyant pas de prix pour les contrats d'application futurs. On a donc admis la présence de l'unilatéralisme dans le contrat, censé être le siège du bilatéralisme. Au-delà, il semble que ces décisions mettent fin au contentieux de la nullité des contrats pour indétermination du prix sur le fondement de l'article 1129 du Code civil. [...]
[...] Si la clause de variation du taux d'intérêt du contrat de prêt fut soumise à la solution des décisions rendues par l'Assemblée plénière, (Com juill. 1996), en revanche, cette solution fut écartée en matière de remboursement anticipé (Civ mai 1996). Par un revirement, la Première Chambre civile a repris la solution en 2000 pour l'appliquer à la clause de remboursement anticipé stipulée dans un contrat de prêt: l'article 1129 n'est pas applicable à la détermination du prix et a violé ce texte la Cour d'appel qui a déclaré nulle, par application de cet article, une clause prévoyant le paiement d'une indemnité financière de remboursement anticipé stipulée dans un contrat de prêt consenti par un établissement financier à une SCI, en retenant que l'exigibilité de l'indemnité dépendait exclusivement de la volonté du prêteur (14 juin 2000). [...]
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