Il est décisif que le juge des référés porte d'abord une appréciation sur la justification de sa saisine au regard de ses pouvoirs en tant que juridiction appelée à se prononcer sur la continuation du contrat. C'est ainsi qu'il devra préalablement vérifier l'existence du dommage imminent ou du trouble manifestement illicite, puis évaluer en conséquence la nécessité de protéger le cocontractant (I ère partie). Il lui appartiendra ensuite, en fonction des pouvoirs dont il dispose en tant que juge des référés, de définir les mesures conservatoires adaptées aux circonstances et que requiert la continuation du contrat. Si le juge possède en effet un pouvoir souverain, il devra cependant se situer par rapport au juge du fond, avec lequel il pourrait se trouver en situation de concurrence, et ne pas remettre en cause ce qui justifie son existence, en particulier le caractère provisoire des dispositions prises (II ème partie)
[...] Une illustration de cette liaison entre contestation sérieuse et trouble manifestement illicite est fournie par un arrêt de la Cour de Versailles du 15 février 1988[7]. Après avoir, en effet, estimé qu'il y avait contestation sérieuse sur le degré d'originalité de la marque Fioul Plus et donc ne pouvoir faire interdiction de l'utiliser sur le fondement de l'article 808, l'arrêt estime qu'une telle interdiction ne peut non plus être prononcée sur le fondement de l'article 809, alinéa l'absence de toute certitude sur le caractère distinctif et protégeable des éléments reproduits empêche de tenir pour établi le caractère manifestement illicite du trouble subi. [...]
[...] De manière plus préoccupante encore, on peut craindre que cette décision ne suscite une confusion contra legem entre provisoire et temporaire, ou n'annonce une évolution jurisprudentielle de l'un vers l'autre[28] L'esprit de l'article 484 du Nouveau Code de Procédure Civile : la vocation à durer du provisoire L'article 484 du Nouveau Code de Procédure Civile définit l'ordonnance de référé comme étant une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal, le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires Le principe est clair : il s'agit d'ordonner des mesures provisoires. Pour autant, provisoire ne signifie pas forcément temporaire. Ce caractère provisoire signifie seulement que la mesure subsiste tant qu'une décision au fond n'a pas été rendue. [...]
[...] Nombreux sont les auteurs qui, à juste titre selon nous, placent la considération de l'illicéité au nombre des conditions requises pour légitimer la demande de mesures conservatoires, soit qu'ils en fassent une exigence distincte, soit qu'ils l'incluent dans la notion même de dommage, telle qu'elle doit être comprise au sens de l'article 809 alinéa 1er du nouveau code[14]. Encore convient-il de s'entendre sur les caractères requis de l'illicéité. Il peut se faire que le dommage imminent ait son origine dans un comportent manifestement illicite. Le juge, c'est évident, a le pouvoir d'ordonner l'arrêt de celui-ci. Mais la prévention du dommage qui menace n'est nullement subordonnée à cette condition rigoureuse. [...]
[...] Pour conclure, reprenons une phrase tiré du commentaire de l'arrêt Trésis et IPIB paru à la Revue Trimestrielle de Droit Civil au cours du premier semestre 2001 : le juge des référés est surhumain puisqu'il a le pouvoir de ressusciter un contrat arrivé à terme, régulièrement dénoncé par l'une des parties et donc disparu de sa mort contractuelle naturelle. Mais il n'est quand même pas divin puisque cette résurrection ne saurait valoir pour l'éternité ; elle doit avoir, comme toute chose d'ici bas, une fin qu'il appartient au juge de fixer lui- même, ne serait-ce que pour inciter le contractant délaissé à compter aussi un peu sur lui et à faire diligence pour trouver un autre partenaire (Cass. [...]
[...] En pratique, ici comme là, il appartiendra au juge de faire la balance des intérêts en présence. Ayant vérifié l'imminence du préjudice qui menace, il lui faudra comparer la gravité du risque que recèle en elle-même la situation litigieuse et auquel le demandeur serait exposé si le juge n'intervenait pas et la gravité du dommage que subirait de son côté le défendeur si la mesure requise était ordonnée. Tout en partageant cette analyse, certains auteurs concèdent cependant qu'en pratique c'est le plus souvent la nécessité d'éviter la violation d'une règle de droit que le juge retiendra pour prononcer une mesure conservatoire. [...]
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