L'article 1165 du Code civil pose le principe de l'effet relatif qui signifie que les tiers ne peuvent être rendus créanciers ou débiteurs des obligations. En revanche, le complément immédiat à cet article est le principe d'opposabilité qui n'empêche pas que le contrat, au-delà des obligations qu'il fait naître, constitue aussi un fait économique et social dont les effets peuvent se répercuter sur les tiers.
Dès lors, se pose la question des conditions d'application de ce principe, et en particulier, concernant l'opposabilité du contrat par les tiers, comme l'illustre l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, en date du 8 octobre 2002.
En l'espèce, une société d'équipement a construit pour une société d'exploitation une chaîne de dosage-capsulage aseptique de jus de fruits dont les performances étaient définies au contrat. Par la suite, la société d'exploitation a conclu avec une société commerciale un accord en vue de la commercialisation d'une partie de sa production. Mais à la suite de difficultés survenues au démarrage de l'exploitation, les premiers mois de fabrication ont été perturbés.
C'est la raison pour laquelle, la société d'exploitation et la société commerciale ont assigné la société d'équipement pour demander réparation de leurs préjudices respectifs.
La Cour d'appel accueille la demande en retenant que la société d'équipement n'avait pas respecté ses engagements contractuels engageant ainsi sa responsabilité délictuelle envers le tiers qui avait subi un préjudice.
Ainsi, la difficulté réside dans le fait de savoir si, pour agir, le tiers doit établir un préjudice, ou s'il faut en plus qu'il démontre que l'inexécution de l'une des parties de ses obligations contractuelles constituait une faute de comportement au sens de l'article 1382 du Code civil.
La chambre commerciale casse l'arrêt d'appel et maintient sa position en la matière, en énonçant « qu'un tiers à un contrat ne peut obtenir, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, réparation d'un des contractants que s'il démontre que celui-ci a causé un dommage en manquant à son égard au devoir général de ne pas nuire à autrui, sanctionné par l'article 1382 du Code civil ».
Ainsi, la Cour de cassation rappelle le principe d'opposabilité du contrat invoqué par le tiers (I) mais restreint son champ d'application par l'exigence d'une démonstration d'une faute détachable (II).
[...] Certains arrêts parlent de faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel (civ.1ère novembre 1962) ou de faute détachable du contrat Dès lors, si la Cour d'appel n'avait exigé que l'existence d'un simple dommage, c'est que certainement, elle fut influencée par un courant doctrinal inverse à celui de la chambre commerciale. En effet, la divergence jurisprudentielle est marquée par l'opposition entre deux principes : celui qui n'exige que la preuve d'un dommage, et l'autre, qui exige une faute de comportement au sens de l'article 1382 de l'une des parties, de ses obligations contractuelles. La divergence jurisprudentielle Cette divergence est caractérisée par l'absence de cohérence des arrêts entre la première chambre civile et la chambre commerciale. [...]
[...] L'opposabilité du contrat par les tiers Pour que ce principe puisse jouer, il faut un contrat. En particulier, une rupture de ce contrat par l'une des parties contractantes Cette inexécution amène un préjudice pour le tiers victime qui pourra alors se prévaloir de la réparation du dommage subi sur le fondement de la responsabilité délictuelle La nécessité d'une inexécution du contrat L'article 1165 du Code civil pose le principe de l'effet relatif qui dispose que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers [ ] Dès lors, on peut se demander de quel droit des tiers au contrat peuvent se prévaloir d'un préjudice résultant de l'inexécution du contrat, puisque les effets de celui-ci ne leur sont pas applicables. [...]
[...] Un auteur donne une explication à la décision de la chambre commerciale. L'intérêt d'une telle action, en particulier lorsqu'on veut l'appliquer à notre présent arrêt, est le fait de permettre à un tiers, en l'espèce, la société commerciale, d'échapper à l'application des clauses restrictives de responsabilité du contrat (ex : délais de prescription spécifiques Si la Cour de cassation avait accepté l'action de la société commerciale, celle-ci aurait pu échapper à ces clauses, tout en s'appuyant sur le contrat. Une plus grande liberté d'action par rapport à la société d'exploitation cocontractante de la société d'équipement, qui viole de façon manifeste le principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle qui empêche que l'application des règles délictuelles ne vienne perturber l'équilibre du contrat. [...]
[...] Le second, qui est rappelé par la chambre commerciale dans le présent arrêt, concerne le tiers victime de l'inexécution du contrat. C'est la possibilité pour le tiers, de se plaindre directement de cette inexécution du contrat auprès d'une partie. La violation du contrat par l'une des parties est donc nécessaire pour qu'un tiers puisse se plaindre. Cette victime devra alors se placer sur le terrain délictuel pour fonder son action. L'action en responsabilité délictuelle Le visa de la chambre commerciale est l'article 1382 du Code civil qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer L'article met en avant la notion de fait et non de contrat (responsabilité contractuelle prévue aux articles 1147 et suivants du même Code). [...]
[...] Ainsi, ces exemples illustrent parfaitement la position de cette chambre qui n'hésite pas à casser des arrêts d'appel qui exigent une faute détachable du contrat A l'inverse, la chambre commerciale, comme nous le démontre cet arrêt du 8 octobre 2002, sanctionne les Cours d'appel qui ne posent que le principe d'un dommage. Un arrêt plus récent de cette chambre en date du 5 avril 2005 démontre que cette question n'a pas encore été réglée. C'est pourquoi, plusieurs auteurs estiment que cette divergence de jurisprudence devra probablement être tranchée en chambre mixte ou en Assemblée plénière de la Cour de cassation. Bibliographie Droit civil : les obligations de Luc Grynbaum (ed. [...]
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