Si, comme on peut le voir notamment avec la récente réforme du droit des successions opérée par la loi du 23 juin 2006, la tendance actuelle est de donner à chacun davantage de liberté pour organiser sa future succession, et donc d'accorder en général plus d'importance à la volonté des futurs défunts, certaines règles ont cependant encore pour but de protéger le patrimoine familial de ceux-ci. On se trouve donc parfois au centre d'un paradoxe, comme par exemple en ce qui concerne des actes permettant de gratifier leurs bénéficiaires mais comportant des aléas, un paradoxe qui rend ces hypothèses intéressantes à étudier.
Le sujet que l'on se propose d'approfondir en particulier est celui des libéralités qui, selon l'article 893 du Code civil, sont les actes par lesquels une personne dispose, à titre gratuit, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne, et de l'aléa, qu'on peut dans une première approche définir comme l'absence de connaissances par les parties à un contrat de l'étendue de leurs engagements. Dans quelle mesure ces deux notions peuvent –elles être conciliées ? Un contrat « aléatoire » peut – il ou non être qualifié de libéralité ?
[...] En effet comme on le verra le choix opéré par la Juridiction Suprême de ne pas retenir l'existence d'une libéralité en présence de contrats aléatoires, implique même s'il est tempéré (comme nous le préciserons également) par une adaptation ponctuelle de la solution si des éléments montrent clairement une volonté d'effectuer une libéralité. La négation d'une éventuelle intention libérale du défunt qui aurait par exemple en désignant le bénéficiaire de son assurance placement ou en acquérant un bien avec une autre personne en insérant une clause d'accroissement dans le contrat voulu transférer gratuitement à ces individus la propriété d'un de ses biens. On ne pourra que regretter cette décision, sans doute prise pour des raisons d'opportunité et au vu des conséquences économiques qu'aurait pu avoir la solution inverse. [...]
[...] Elles montrent toutes deux la volonté des juges de protéger les héritiers du défunt qui, si la libéralité n'était pas reconnue en tant que telle, verraient la somme qu'elle concerne n'être pas prise en compte pour le calcul de leurs droits, et pourraient être au cœur d'une violation de l'ordre public réservataire. Cet objectif explique en effet que la Juridiction Suprême recherche, malgré sa position de principe, une éventuelle intention libérale du défunt dans les circonstances propres à chaque espèce. [...]
[...] En effet, cette position, non contente de s'opposer parfois à l'intention réelle du défunt, et de favoriser des atteintes à l'ordre public successoral, implique le choix d'une conception extensive de l'aléa, peu conciliable avec les principes du Code civil. Le choix d'une conception extensive de l'aléa Si, pour exclure toute requalification des contrats d'assurance placement, la Cour de cassation s'est fondée sur l'aléa qu'ils recelaient et qui selon elle était incompatible avec la notion de libéralité, elle n'a pu le faire qu'en se fondant sur l'article 1964 du Code civil et en faisant un lien entre cet aléa et la durée de la vie humaine Une vision fondée sur l'article 1964 du Code civil Puisque comme l'ont souligné notamment le ministre de l'Economie des Finances et de l'Industrie et la Fédération française des Sociétés d'Assurance nier l'existence de tout aléa dans les contrats d'assurance mixte à terme fixe et qualifier conséquemment ces contrats de libéralités aurait entraîné des conséquences financières et économiques majeures. [...]
[...] Mais le souscripteur, lui, supporte-t-il un tel risque ? Il semble bien que ce ne soit pas vraiment le cas puisqu'il est de l'essence même des contrats d'assurance que si ceux-ci comportent un risque. Il est justement ce dont le souscripteur entend se garantir auprès de l'assureur moyennant le paiement de primes. C'est pourquoi les juges ont retenu une conception de l'aléa particulière, liée à la durée de la vie humaine, pour pouvoir refuser la requalification en libéralités des contrats d'assurance placement. [...]
[...] Ils se fondaient pour cela sur l'âge du souscripteur, et sur l'utilité de l'opération pour lui. Mais tout en prenant position le 23 novembre 2004 sur le caractère d'assurance et non de libéralité des contrats dits d'assurance placement la Cour de cassation a dans deux arrêts rendus le même jour affirmé que le caractère manifestement exagéré des primes devait s'apprécier au moment du versement au regard de l'âge et des situations patrimoniales et familiales du souscripteur et souligné qu'elle entendait désormais contrôler la qualification des primes manifestement exagérées sur le fondement du manque de base légale. [...]
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