Le pacte de préférence peut être défini comme l'avant-contrat par lequel le propriétaire d'un bien (le promettant) s'engage, pour le cas où il se déciderait à conclure un contrat déterminé, à préférer le partenaire du pacte (le bénéficiaire) à autrui , c'est-à-dire à en faire prioritairement la proposition au bénéficiaire.
L'élaboration du régime juridique du pacte de préférence a suscité une vive controverse doctrinale et jurisprudentielle en ce qui concerne notamment les sanctions applicables en cas de violation du pacte, c'est à dire dans l'hypothèse où le promettant aurait vendu directement le bien à un tiers, sans l'avoir préalablement proposé au bénéficiaire du pacte. Dès lors, l'inexécution par le promettant de son obligation de préférer le bénéficiaire doit être sanctionnée. Mais quelles sont les sanctions applicables en cas de violation du pacte de préférence ? Doit-on s'orienter vers une réparation en nature ou en équivalent ?
[...] Lorsque le tiers a acquis le bien de bonne foi, c'est-à-dire qu'il ignorait l'existence du pacte de préférence, la jurisprudence considère que le bénéficiaire lésé ne peut prétendre qu'à l'octroi de dommages et intérêts. Il dispose pour cela d'une action en responsabilité contractuelle contre le promettant puisque ce dernier a violé son obligation de préférer le bénéficiaire à autrui. La jurisprudence reconnait également au bénéficiaire une action en responsabilité à l'encontre du notaire qui aurait authentifié une vente en violation d'un pacte de préférence (Civ juillet 2006[3]). [...]
[...] En fait, deux principes s'opposent ici : la liberté contractuelle et la force obligatoire des contrats. Finalement, au vu de la solution de 2006, et de l'admission de la substitution, on peut affirmer que la Cour de cassation a entendu faire primer la force obligatoire des contrats et admet implicitement que, dans le pacte de préférence, le promettant a d'ores et déjà donné son consentement irrévocable à la vente[10]. Cette solution permet ainsi de redonner, selon l'expression de Monsieur Mainguy, toute sa vigueur au pacte de préférence, puisque le bénéficiaire évincé pourra finalement être substitué au tiers acquéreur, et devenir propriétaire du bien. [...]
[...] En l'espèce, la preuve de l'existence du pacte était rapportée par le fait qu'un exemplaire du bail contenant le pacte de préférence avait été remis au tiers acquéreur et la preuve de l'intention du bénéficiaire de se prévaloir du pacte était établie car l'acte notarié de vente mentionnait l'existence d'un litige opposant le bailleur au bénéficiaire qui avait à cette occasion exprimé sa volonté d'acquérir le bien. Certes, si l'on peut déplorer le fait que la Cour de cassation ait posé des exigences probatoires qui ne seront qu'exceptionnellement remplies, il n'en reste pas moins que la substitution peut avoir lieu, cette sanction n'étant pas seulement théorique. B ) Une substitution conditionnée à l'annulation préalable du contrat passé avec le tiers ? [...]
[...] B ) La sanction nouvelle : substitution du bénéficiaire dans les droits du tiers acquéreur Dans cet arrêt[9], la Cour de cassation opère un véritable revirement de jurisprudence en affirmant que le bénéficiaire d'un pacte de préférence est en droit d'exiger l'annulation du contrat passé avec un tiers en méconnaissance de ses droits et d'obtenir sa substitution à l'acquéreur Ce revirement était très attendu car la réparation en équivalent, c'est-à- dire sous la forme de dommages et intérêts, est insuffisante et ne constitue pour le professeur Libchaber qu'une demie-victoire En effet, alors que le bénéficiaire convoite la propriété du bien, il ne reçoit qu'une indemnité. De même, la nullité n'est pas la meilleure sanction car le bénéficiaire ne devenait pas propriétaire du bien. C'est pourquoi la doctrine, et notamment Messieurs Mestre et Fages, affirmait que la sanction la plus adéquate était la substitution. Toutefois, certains objectaient qu' admettre l'exécution forcée du pacte, c'est-à-dire la substitution, revenait à contraindre la volonté du promettant. [...]
[...] A la différence de l'hypothèse précédente, une autre sanction est possible en cas de mauvaise foi du tiers : c'est la nullité de la vente conclue entre le promettant et le tiers (Req avril 1902). Toutefois, cette nullité ne sera prononcée qu'à la double condition que le bénéficiaire du pacte rapporte la preuve que le tiers acquéreur connaissait l'existence du pacte et l'intention du bénéficiaire de se prévaloir du pacte, c'est à dire la preuve de la mauvaise foi du tiers. A défaut de démontrer ces deux conditions, la nullité ne saura pas prononcée (Civ octobre 1982). [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture