En l'espèce, l'acquéreur d'un immeuble s'est vu notifier un arrêté préfectoral lui interdisant d'habiter les lieux en raison de l'exiguïté des locaux et de la non-conformité des installations sanitaires. Il assigne le vendeur en résolution de la vente pour vice et erreur. Il est débouté de sa demande fondée sur l'erreur par la Cour d'appel.
Il fait grief à la juridiction du second degré de n'avoir pas bien appliqué les articles 1110, 1116 et 1641 du Code civil dans la mesure où en cas de vice caché, il n'est pas impossible d'agir sur le fondement de l'erreur dès lors que celle-ci porte sur la substance de la chose vendue. Selon le pourvoi, l'acquéreur aurait ainsi un choix d'action entre les vices cachés et l'erreur.
Dans quelle mesure l'acquéreur d'un bien ayant un vice caché peut-il agir sur le fondement de l'erreur et échapper ainsi au bref délai de l'article 1648 du Code civil ?
[...] Flou jurisprudentiel antérieur Dans un premier temps, la Cour de cassation a assujetti l'action en nullité pour erreur à l'exigence du bref délai dès l'instant où l'erreur invoquée l'était au titre d'un vice caché (Civ 1re juillet 1960). Puis, elle a libéré le recours en nullité à ces règles et en a reconnu le régime spécifique même si l'erreur était la conséquence d'un vice caché rendant la chose impropre à sa destination (Civ 1re 1988). Aussi la troisième chambre civile a-t-elle adopté une position libérale en décidant que l'existence d'un vice caché n'exclut pas, par elle-même, la possibilité d'invoquer l'erreur sur la qualité substantielle de la chose vendue Ainsi, le pourvoi s'est emparé de cette jurisprudence afin d'obtenir gain de cause en l'espèce. [...]
[...] Cette jurisprudence, en refusant l'action sur le fondement de l'erreur parait ainsi exagérément restrictive dans cette hypothèse. fondement critiquable Il est des raisons de critiquer le fondement de cette décision. En effet, la motivation est réduite à l'argument d'autorité c'est-à-dire que l'affirmation tient lieu de justification. On pourrait penser, comme en matière d'obligation de conformité et d'erreur, que les chambres se fondent sur la maxime specialia generalibus derogant C'est d'ailleurs l'argument de certains auteurs en faveur de cette jurisprudence. La garantie des vices cachés étant propre à la vente, alors que la nullité pour erreur concerne tous les actes juridiques, la première exclurait la deuxième. [...]
[...] En relevant d'office ce devoir de requalification puisé à l'article 12 al 2 du NCPC, la Cour de cassation manifeste sa volonté de ne pas laisser dégénérer un recours lorsqu'une voie alternative s'offre au plaideur, à condition bien sûr que les règles qui la gouvernent soient elles même satisfaisantes. Cette passerelle est-elle à double sens ? concluant au rejet de l'action en garantie des vices cachés, en particulier parce que le bref délai est expiré, les juges auraient-ils également le devoir de rechercher si la demande peut être requalifiée en une action en nullité pour erreur ? [...]
[...] Cette jurisprudence restrictive pour l'erreur et le vice caché est donc critiquable. Le raisonnement manque de cohérence. Pourquoi admettre le concours d'action pour le dol et non pour l'erreur ? On pourrait penser que la réticence dolosive est plus grave que l'erreur dans la mesure où l'erreur ne résulte pas forcément du comportement du vendeur Ceci reste à prouver. Toutefois, la jurisprudence semble se radoucir lorsque l'action en nullité pour erreur est tenue en échec parce qu'une condition propre lui fait défaut. [...]
[...] Aussi, pour qu'une règle générale déroge à une règle générale, encore faut-il qu'il y ait entre elles une contradiction. Or, erreur et garantie des vices cachés évoluent sur des terrains différents (formation et exécution). Il n'y a donc aucun conflit. Au contraire, les deux actions peuvent même s'ajuster lorsque l'erreur a sa source dans un vice caché. Ainsi, la solution retenue pourrait s'expliquer par des raisons procédurales. Il faut donc souhaiter que la Chambre commerciale résiste à cette jurisprudence dépourvue de fondement juridique solide. [...]
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