Le 12 août 1976, les époux X ont vendu aux époux Y, par acte sous seing privé, un immeuble avec paiement échelonné du prix. Le 2 juin 1988, ces premiers ont alors, par acte notarié, procédé à la donation de ce même immeuble au profit de leur fils, sachant que la réitération de la promesse de vente n'était toujours pas intervenue entre les propriétaires et les époux Y. Ces derniers ont alors agi en annulation et en inopposabilité de la donation sur le fondement de l'action paulienne. C'est alors Mme A, suite au décès de son mari, M. Y, qui a repris l'instance.
La question qui se pose est de savoir si l'action paulienne est recevable dès lors qu'elle a pour finalité de résoudre un conflit issu de la mutation successive d'un même bien de la part du propriétaire initial au mépris d'une promesse de vente antérieure et cela alors même qu'aucune insolvabilité n'est à déplorer.
[...] II Une mise en œuvre surprenante l'action paulienne La Haute juridiction fait donc droit a la demande de Mme A fondée sur l'action paulienne. Cette solution parait alors surprenante étant donné que le conflit aurait pu être résolu par l'application des règles de la publicité foncière ce qui reflète alors une dénaturation réelle mais aussi critiquable opérée par les juges du fonds A La mise à l'écart des règles relatives a la publicité foncière critiquable Les juges du fonds refusent donc la recevabilité de l'action paulienne en précisant que le conflit en cause est un conflit qui a trait à la propriété d'un bien ayant fait l'objet de deux mutations successives de la part de son propriétaire initial En effet, en donnant l'immeuble a leurs fils, les époux X ont consenti une donation portant sur un objet déjà cédé étant donné qu'une vente, par acte sous seing privé, a eu lieu le 12 aout 1976 au profit des époux Y. [...]
[...] Mme A décide alors de former un pourvoi en cassation pour obtenir l'annulation de ces deux arrêts reconnaissant la validité de la donation. La question qui se pose est de savoir si l'action paulienne est recevable dès lors qu'elle a pour finalité de résoudre un conflit issu de la mutation successive d'un même bien de la part du propriétaire initial au mépris d'une promesse de vente antérieure et cela alors même qu'aucune insolvabilité n'est à déplorer ? Par l'arrêt d'espèce du 6 octobre 2004, la troisième chambre civile répond par la positive en considérant que, même si le débiteur est solvable, l'action paulienne peut être invoquée à partir du moment où la donation a eu pour effet de rendre impossible l'exercice du droit spécial dont disposait le créancier sur la chose aliénée Dans une première partie, il s'agira d'étudier les critères retenus permettant de reconnaître l'application de l'action paulienne pour ainsi voir, dans une seconde partie, en quoi cet arrêt du 6 octobre 2004 est à l'origine d'une extension considérable du champ d'application de cette action paulienne (II). [...]
[...] Il ressort de la solution rendue le 6 octobre 2004 que le critère d'insolvabilité du débiteur ne constitue pas un élément nécessaire pour admettre l'action paulienne cependant une condition existe puisque dans l'arrêt le créancier ne bénéficie pas d'un droit de gage général mais il bénéficie d'un droit spécial. L'absence d'exigence de ce critère n'est cependant pas nouvelle puisqu'en effet la chambre sociale avait déjà reconnu la possibilité d'écarter le critère d'insolvabilité en présence d'un droit spécial, dans un arrêt du 19 décembre 1941. De nombreux arrêts ont alors suivi le mouvement tel que la première chambre civile par un arrêt du 10 décembre 1974. Par l'arrêt d'espèce la troisième chambre civile se rallie alors à cette position déjà ancienne mais aujourd'hui encore très critiquée. [...]
[...] Ainsi dans l'arrêt la cour de cassation veut avant tout sanctionner la donation faite par les époux X et ainsi protéger les époux X. C'est alors la raison principale expliquant le refus par la cour d'appliquer d'autres règles pour résoudre le conflit étant donné qu'une telle application aurait conduit avant tout à faire prévaloir la donation sur la vente. En effet, en l'espèce, la mise en œuvre de l'action paulienne permet avant tout l'exécution d'un avant contrat qu'est celui des époux Y. [...]
[...] Par ailleurs, on admet que l'acte de donation, ayant été fait par acte notarié, vaut publication de la donation qui devient alors opposable aux tiers, notamment aux époux Y. En application des règles relatives à la publicité foncière il ressort donc que les époux Y ne peuvent se voir reconnaitre un droit réel sur l'immeuble au profit du fils des propriétaires qui détiennent alors un droit de préférence, malgré le fait que la donation soit intervenue postérieurement a la vente. [...]
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