D'après l'article 1719 du Code civil, le bailleur est obligé, par la seule nature du contrat impliquant qu'il ne soit pas nécessaire de le préciser à la convention locative, de délivrer au preneur la chose louée, d'entretenir cette chose en l'état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail. La position de cette dernière obligation au sein de l'article 1719 n'est pas révélatrice de son importance en ce qu'elle est certainement la plus essentielle et la source de toutes les autres. En effet, la conséquence essentielle du bail est la jouissance du preneur, et celle-ci ne peut être assurée que par l'obligation corrélative du bailleur. Dans la plupart des décisions relatives aux obligations du bailleur, l'obligation d'assurer une jouissance paisible n'apparaît qu'exceptionnellement indépendamment de l'obligation d'entretien ou de garantie derrière laquelle elle est généralement cachée. Pour le bailleur, propriétaire d'une galerie marchande ou d'un centre commercial, l'obligation éventuelle de « garantir au preneur la commercialité des lieux loués tient du serpent de mer juridique ».
La société OPAC, copropriétaire d'un centre commercial, avait donné à bail diverses boutiques. Certains preneurs se sont plaints de ce que le centre avait été laissé à l'abandon et ont requis une expertise puis assigné le bailleur afin d'obtenir la réfection du centre et une indemnisation de leur préjudice. La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt rendu le 2 juin 2005, a rejeté leur demande au motif qu'« aucune obligation tenant à assurer au locataire un environnement commercial favorable en entretenant les parties communes du centre commercial » n'incombait au bailleur en l'absence de stipulation spéciale. Les preneurs se pourvoient alors en cassation.
[...] L'arrêt du 31 octobre 2006: une évolution jurisprudentielle La jurisprudence montre un refus de consacrer une garantie de commercialité comme obligation à la charge du bailleur. L'arrêt du 31 octobre 2006 qualifie pourtant le manquement du bailleur aux obligations imposées par l'article 1719 du Code civil A / Une jurisprudence refusant la consécration d'une garantie de commercialité L'article 1719 du Code civil, comme on le sait, impose au bailleur une obligation d'entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail, et ce, par la nature du contrat. [...]
[...] Enfin, ce qui est inquiétant pour les bailleurs, à la vision de cet arrêt, c'est de se dire que leurs obligations ne sont plus limitées à celles contractuellement, ni à celles législativement prévues de façon claire, mais également à toutes les obligations nouvelles que la jurisprudence pourrait découvrir. On peut donc craindre un afflux des affaires devant les tribunaux concernant les baux commerciaux en cours qui ne prévoyaient rien. Là aussi, dans l'avenir, il serait fortement recommandable pour le bailleur d'insérer au contrat une clause le libérant de sa nouvelle obligation puisqu'il ne s'agit pas d'une obligation d'ordre public. [...]
[...] L'existence d'un rôle créateur de la jurisprudence ne laisse subsister aucun doute, et le cadre posé par le Code civil vaut principalement pour les juges du fond, la Cour de cassation se réservant à travers son pouvoir herméneutique la possibilité de créer le droit ainsi que, en certaines occasions, de faire peser sur les parties de nouvelles obligations. Ainsi en est-il de l'obligation d'entretenir les parties communes dans les centres commerciaux ou de l'obligation de maintenir un environnement commercial favorable. [...]
[...] Si, comme il paraît plus vraisemblable, la Cour de cassation choisit de lier l'obligation d'entretien des parties communes à l'obligation spéciale plus générale d'entretien de la chose, les parties auront alors le choix d'écarter ou d'alourdir celle-ci au moyen d'une contrepartie pour le preneur, en fonction de l'équilibre du contrat, puisqu'il ne s'agit pas d'une obligation personnelle et d'ordre public pesant sur le bailleur. Le risque qu'emporte la création d'une nouvelle obligation contractuelle est, en premier lieu, d'en déterminer le contour. Ensuite, un autre risque apparaissant consiste en l'insécurité résultant toujours d'un revirement de jurisprudence, notamment sur les contrats en cours. En effet, un certain nombre de contestations risquent d'apparaître, relatives à l'exécution des baux commerciaux, lorsqu'il existe une galerie commerciale et des parties communes à entretenir si le contrat de bail ne prévoit rien. [...]
[...] En lui étant reprochée cette dernière, il découvrirait une nouvelle obligation à sa charge : celle d'entretenir, au-delà de l'usure normale, les parties communes du centre commercial, exclues de l'assiette du bail. L'obligation ainsi créée peut être liée à deux obligations légales du bailleur : l'obligation de délivrance et celle d'entretien. Les conséquences varient selon le choix de rattachement. Si la Haute Juridiction choisie de rattacher l'obligation de délivrance afin de maintenir un environnement commercial favorable à l'article 1719- cela emportera des conséquences lourdes pour le bailleur. En effet, l'obligation de délivrance est d'ordre public. [...]
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