Une SCI a donné à bail un local commercial à Mme X…, dans un immeuble où la société avait conclu plusieurs autres contrats de ce type avec d'autres commerçants.
Lors de la conclusion du contrat avec Mme X…, le 1er janvier 1983, et par ailleurs dans les divers contrats conclus également avec tous les autres locataires de l'immeuble, la société bailleresse a inséré une clause aux termes de laquelle le preneur à bail s'engage à ne pas concurrencer l'activité préalablement développée par les autres locataires. Il s'agit donc d'une clause de non-concurrence.
Néanmoins, lors de la conclusion de baux ultérieurs (les 25 janvier 1989 et 1er septembre 1997), ladite clause n'a pas été maintenue et Mme X…, dont le contrat a été renouvelé avec cette clause de non-concurrence, entend donc faire déclarer cette clause « sans objet » et pallier ainsi à son application.
Mme X… porte donc l'affaire devant les tribunaux.
Les juges du fond, par un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 23 novembre 2005, accueillent la demande de Mme X… et la SCI forme donc un pourvoi en cassation sur la base d'un moyen divisé en deux banches. C'est sur le fondement de l'article 1134 du Code civil que la SCI fonde ses prétentions. En effet, selon la bailleresse, les juges du second degré auraient excédé leurs pouvoirs et c'est en cela qu'il y aurait eu violation dudit article.
D'une part, Mme X… reproche aux juges du fond d'avoir prononcé la résolution de la clause litigieuse alors même que le renouvellement du contrat de bail doit s'opérer aux clauses et conditions du bail venu à expiration et, d'autre part, le juge ne pourrait nullement modifier une convention conclue entre les parties à un contrat que ce soit pour y ajouter ou supprimer un engagement.
Un bailleur ayant conclu un contrat avec un preneur en y incluant une clause de non-concurrence doit-il insérer le même type de clause dans les contrats qu'il conclura ensuite avec d'autres futurs preneurs à bail dans le même immeuble ?
La Cour de cassation répond par la positive en ce que le bailleur n'insérant pas dans tous ses contrats de location de baux qu'il signera avec les preneurs une clause de non-concurrence, pourra voir son comportement qualifié de fautif vis-à-vis des preneurs ayant conclu un contrat contenant une telle clause. La résolution de la clause pourra donc, de ce fait, être prononcée pour les contrats où elle y apparait.
Nous verrons donc qu'il existe une obligation pour le bailleur de conserver une relation contractuelle identique avec l'ensemble de ses locataires (I), sous peine de voir une partie du contrat ne pouvant être appliquée (II).
[...] On peut donc émettre ici l'hypothèse que, si un contrat de bail est conclu entre deux parties, il n'en demeure pas moins que les tiers à ce contrat sont eux-mêmes liés par un autre contrat avec le bailleur et, se devront donc, de respecter le contrat préexistant. Une obligation réciproque existe donc entre un bailleur et un preneur, une autre obligation existe aussi entre le même preneur et les futurs preneurs du même immeuble, et une obligation existe en outre entre ces futurs preneurs et le preneur du contrat initial. En outre, cette non-concurrence ne pourra être effective que dans l'optique ou la clause de non-concurrence serait introduite par le bailleur dans ses contrats de location ultérieurs. [...]
[...] Qu'en serait- il ici ? Il n'y en a pas réellement. Le fait pour la société bailleresse de ne pas insérer cette clause dans un contrat futur ne présente aucun caractère d'extériorité. L'un des fondements appropriés semble donc être, plus simplement, une résiliation de la clause. Elle aurait, en effet les mêmes effets que la résolution, sans pour autant en conserver l'effet négatif de la rétroactivité. [...]
[...] On peut donc se demander si un autre fondement n'aurait pas pu être trouvé par la Cour de cassation pour palier à l'application de la clause de non-concurrence entre bailleur et preneur. Certains auteurs ont soufflé la sanction de la caducité à cette clause litigieuse. C'est en effet, c qui est le plus couramment utilisé en jurisprudence dans ce genre de cas d'espèce. D'autant plus que cela permettrait de pouvoir se limiter à une caducité partielle en l'espèce, comme ce qui en a été de la résolution. [...]
[...] Le juge ne pouvait jusqu'à cette décision, sauf dans le cas particulier de la clause pénale (et encore là il ne s'agit que de la possibilité de réviser la clause et non pas de la supprimer), s'immiscer de manière aussi accentuée dans les relations contractuelles des parties au contrat. Comme il a été démontré précédemment, c'est la résolution de la clause de non-concurrence qui a été choisie par les juges du fond. On peut donc se demander quels ont été les fondements de cette décision. [...]
[...] N'aurait-il pas valu mieux rétroagir à la date de la première inexécution du contrat ? En effet, la concurrence a démarré dès la conclusion d'un contrat, par le bailleur, ne mentionnant pas la clause de non-concurrence, et il aurait ainsi peut- être fallu remonter jusqu'à cette date. Néanmoins, la rétroactivité doit être maniée avec prudence et c'est surement pour cela que la Haute Juridiction en a décidé ainsi. En effet, comment est-il possible de déterminer le préjudice subit par Mme X ? [...]
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