Deux personnes concluent un contrat d'échange avec soulte, l'échange consistant en un lot de parcelles sur lequel un tiers au contrat possède un droit de préemption. Ce dernier s'oppose à cet échange. La cour d'appel d'Amiens, dans un arrêt rendu le 9 février 1972, estime que le montant de la soulte est si important qu'il convient de requalifier le contrat d'échange en contrat de vente. L'un des contractants se pourvoie en cassation au motif que les juges du fond ne peuvent requalifier une convention « dès lors qu'elle n'est entachée d'aucune obscurité ou contradiction » et que l'existence d'une soulte, somme versée en sus du bien échangé, ne saurai changer la nature de la convention. La Cour de cassation, par un arrêt en date du 26 juin 1973, rendu par la 3e chambre civile, rejette le pourvoi.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation affirme, dans des termes dénués de toute ambiguïté, le devoir, pour les juges du fond, de requalifier les conventions litigieuses afin de leur donner leur « véritable caractère juridique ». En d'autres termes, la qualification donnée à une convention par les parties ne saurait lier le juge. Il convient alors d'étudier le mécanisme selon lequel le juge va procéder à cette requalification, que l'on pourrait définir comme l'opération intellectuelle consistant à classer une convention, à lui donner une nature afin de déduire le régime qui lui sera applicable.
En l'espèce, quel a été le raisonnement mené par le juge lors de la requalification du contrat d'échange avec soulte en contrat de vente ?
Il convient, dans un premier temps, de s'intéresser aux éléments ayant conduit le juge à déterminer la nature de la convention (I). Nous verrons ensuite que l'intention des parties, si elle peut aiguiller le juge dans l'opération de qualification, ne saurait en aucun cas le lier (II).
[...] Ainsi, la Cour de Cassation réaffirme régulièrement ce devoir des juges du fond, n'hésitant pas à sanctionner les juges frileux qui n'auraient pas opéré de requalification quand celle-ci semblait opportune. Est ainsi cassé l'arrêt dans lequel la Cour d'appel n'a pas requalifié le contrat de dépôt consignation alors que ce dernier ne prévoyait pas la restitution des marchandises, élément essentiel du contrat de dépôt. À la Cour de Cassation de rappeler, à cette occasion que La cour d'appel [ ] n'était pas liée par la qualification inexacte donnée par les parties à leur convention. (Cass. [...]
[...] La cour d'appel d'Amiens, dans un arrêt rendu le 9 février 1972, estime que le montant de la soulte est si important qu'il convient de requalifier le contrat d'échange en contrat de vente. L'un des contractants se pourvoie en cassation au motif que les juges du fond ne peuvent requalifier une convention dès lors qu'elle n'est entachée d'aucune obscurité ou contradiction et que l'existence d'une soulte, somme versée en sus du bien échangé, ne saurai changer la nature de la convention. [...]
[...] Face à un comportement malhonnête, le juge sanctionne les parties en donnant la qualification adéquate au contrat, qui emportera avec elle le régime juridique, en l'espèce, les effets contraignants du contrat de vente. Cette solution semble être constante, citons pour exemple l'arrêt rendu en chambre mixte par la Cour de Cassation le 21 décembre 2007 où celle-ci constate que c'est à bon droit que la Cour d'appel a requalifié un contrat d'assurance vie en donation, assujettie à des droits de mutation à titre gratuit : le juge sanctionne donc, dans cette espèce, la donation déguisée. [...]
[...] La justification de la requalification opérée par le juge réside donc, ici, dans la recherche des éléments essentiels du contrat. Cette notion, héritée du droit romain, désigne les éléments de l'essence du contrat, sans lesquels il ne peut pas prétendre à telle qualification. II. La volonté des parties : un indice pour la qualification du contrat, qui ne saurait lier le juge La volonté des parties, qui transparaît notamment dans la rédaction de l'acte, constitue un élément supplémentaire pour qualifier le contrat. [...]
[...] Les risques d'arbitraire, de la part du juge, demeurent toutefois minces puisque la Cour de Cassation a le pouvoir de contrôler la qualification retenue par les juges du fond, celle-ci relevant du droit et non du fait. Elle a ainsi pu casser des décisions qu'elle jugeait trop hasardeuse, notamment lorsque le juge semble s'éloigner démesurément des faits et ceci en dépit du fait qu'il ne soit pas lié par la qualification donnée par les parties. Ainsi, dans une décision rendue par la 3e chambre civile, en date du 22 octobre 2003, la Cour de Cassation condamne l'interprétation extensive qu'a eu la Cour d'appel d'une clause figurant dans un contrat de bail en étendant l'interdiction de cession et de sous-location du bail à un contrat de collaboration. [...]
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