Par acte du 21 novembre 1983, une villa était vendue sous la condition suspensive de la vente par les acquéreurs d'un appartement dont ils étaient propriétaires, devant intervenir dans un délai déterminé, un mandataire étant par ailleurs chargé de cette dernière opération. Le vendeur ayant refusé de régulariser la vente par acte authentique, soutenant que le contrat était entaché de nullité, la condition étant selon lui potestative, les acquéreurs l'assignèrent afin d'obtenir sa condamnation à signer ledit acte.
Un appel fut interjeté contre le jugement rendu en première instance, devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui, dans un arrêt rendu le 2 décembre 1993, déboutait les acquéreurs de leur action. Les acquéreurs exercèrent alors un pourvoi en cassation, au soutien duquel ils arguaient de l'absence de potestativité, au motif que si la réalisation de la condition supposait au préalable une manifestation de leur volonté, son accomplissement définitif était subordonné à un élément extérieur, à savoir la recherche d'un tiers acquéreur.
La Cour de cassation devait ainsi répondre à la question suivante : une condition est-elle potestative lorsqu'elle suspend l'existence de l'obligation de la partie qui s'oblige à la réalisation d'un évènement dont l'initiative appartient à cette dernière, mais dont l'accomplissement final dépendra de l'intervention d'un tiers ?
[...] Enfin, la condition mixte, mêlerait à la fois des éléments à caractère potestatif et des éléments extérieurs, en ce qu'elle dépend de la volonté d'une des parties et de celle d'un tiers. Sa licéité ne ferait en principe aucun doute. Longtemps, la doctrine classique a proposé une sous-distinction, au sein des conditions potestatives, entre celles qui seraient simplement potestatives, et donc licites, et celles qui seraient purement potestatives. Tandis que les premières impliqueraient, quant à leur réalisation, une manifestation de volonté de l'une des parties, et l'intervention d'un élément extérieur, les secondes dépendraient uniquement de la volonté de l'une des parties. [...]
[...] Arrêt de la troisième Chambre civile de la Cour de cassation novembre 1995 La condition, modalité affectant l'obligation, lorsqu'elle est suspensive, subordonnera l'existence de l'obligation du débiteur à la réalisation d'un évènement incertain, lorsqu'elle est résolutoire, anéantira rétroactivement l'obligation en raison de la survenance de cet évènement. Cette technique contractuelle permettrait aux parties de gérer les risques relatifs à telle ou telle opération, en se réservant une possibilité de sortie, au cas où certaines circonstances les empêcheraient de s'obliger purement et simplement. [...]
[...] Une telle position marque bien les réticences de la jurisprudence à s'enfermer dans une catégorisation extrême, puisque en effet, le seul point débattu est la question du caractère potestatif ou non d'une condition, et non sa classification. Sur la détermination de ce caractère potestatif, des difficultés apparaissent en ce que, bien que la condition envisagée du point de vue de son accomplissement peut paraître mixte et donc licite, elle apparaît potestative et illicite quant à sa défaillance. Une condition mixte quant à son accomplissement, mais potestative quant à sa défaillance Sur le caractère mixte et valide de la condition, cet arrêt s'inscrirait dans une jurisprudence ancienne, mais développée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, qui, dans un arrêt du 17 mai 1965 adoptant quasiment les mêmes termes que l'arrêt commenté, dans une espèce similaire, décidé que la condition suspendant la vente d'un fonds de commerce à la vente par l'acquéreur d'un autre fonds, n'exigeait pas des débiteurs qu'une simple manifestation de volonté ; qu'elle suppose l'accomplissement d'un fait extérieur, échappant à leur action, savoir la découverte d'un acquéreur pour le fonds de commerce dont ils sont propriétaires, et qu'il y a là un aléa écartant d'emblée la nullité prétendue Ces décisions se justifient lorsque la potestativité est abordée du point de vue de l'accomplissement de la condition. [...]
[...] Dans l'espèce commentée, les juges du fond faisaient application de cette conception, envisageant la validité de la condition sous l'angle de sa défaillance, alors que la Cour de cassation l'envisageait du point de vue de sa réalisation. Quant à la portée de l'arrêt, la question qui se pose alors est de savoir si la troisième Chambre civile rompt avec sa jurisprudence antérieure, rejoignant celle de la Chambre commerciale, et autorisant peut être l'introduction de stipulations laissant la défaillance de la condition à l'entière discrétion du débiteur Plusieurs circonstances de fait, et notamment les stipulations du contrat permettent d'expliquer la décision de la Cour de cassation, qui n'a pas perdu de vue la nécessité d'encadrer les pouvoirs discrétionnaires du débiteur, et qui peut être a conclu à l'absence de potestativité considérant que l'économie du contrat permettait le maintien d'une certaine justice contractuelle. [...]
[...] Une généralisation de la solution commentée, consisterait à admettre la licéité de toutes les conditions, y compris celles dont la défaillance dépend du pouvoir du débiteur sans que sa liberté soit encadrée par des stipulations contractuelles. L'équilibre contractuel serait préservé, l'article 1178 permettant de sanctionner les comportements déloyaux du débiteur. Par exemple, bien qu'aucun délai n'ait été stipulé, ou qu'aucune indemnité n'ait été prévue, le débiteur s'étant engagé sous la condition de la vente d'un bien lui appartenant sera sanctionné lorsqu'il n'aura même pas cherché à mettre ce bien en vente. Le juge cherchera alors à caractériser sa mauvaise foi, en jugeant que ces diligences auraient dû être accomplies dans un délai raisonnable. [...]
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