Par acte du 19 juin 1995, les consorts X aux droits desquels est venue Mme Y ont donné à bail aux époux Z des locaux à usage commercial de boucherie et d'habitation. Reprochant à leur bailleresse de ne pas leur assurer une jouissance paisible des lieux loués et de manquer à ses obligations contractuelles, les preneurs assignent Mme Y pour obtenir la résolution judiciaire du bail, l'autorisation de délaisser les lieux et obtenir une certaine somme à titre de dommages-intérêts.
Il s'agit pour la Cour de cassation de déterminer si la résolution judiciaire du bail pour défaut de délivrance implique ou non que le locataire ait subi un préjudice. Elle doit en outre déterminer les conditions de l'obligation de garantie du bailleur à l'égard du fait des colocataires.
[...] Elle réalise en fait une application stricte des obligations du bailleur. Le bailleur est responsable des troubles de fait émanant d'autres locataires, même si ces troubles résultent d'une mésentente entre voisins. Avec une vision réductrice on pourrait aller jusqu'à dire que le bailleur est responsable de la bonne ou de la mauvaise entente de ses locataires Ce renforcement des obligations du bailleur en cas de pluralité de locataires est généralement critiqué en doctrine au motif qu'il étend démesurément la responsabilité du bailleur et repose sur une circonstance (identité du bailleur) parfaitement fortuite. [...]
[...] La Cour d'appel écarte la responsabilité du bailleur en retenant que le bailleur est responsable des divers ennuis, troubles et abus qui peuvent se produire entre locataires habitant un même immeuble, lorsque ces agissements excèdent les inconvénients normaux de voisinage; mais qu'en l'espèce, le bailleur ne peut pas être responsable puisque les actes reprochés aux colocataires ne se rattachent en rien à la jouissance commune normale de l'immeuble, mais résultent de rapports de mauvais voisinage. La Cour de cassation casse et annule l'arrêt de la Cour d'appel de Rouen. En statuant ainsi, la Cour d'appel a ajouté à la loi une condition qu'elle ne comporte pas. [...]
[...] Il doit y avoir un dommage, un fait générateur de responsabilités : inexécution ou mauvaise exécution des obligations et enfin, un lien de causalité entre les deux. En l'espèce, il y a peut-être mauvaise exécution des obligations du preneur pourtant, les preneurs n'ont subi aucun préjudice. Cette solution est critiquable en ce qu'elle encadre strictement l'action en garantie contre le bailleur. Peu importe que le bailleur exécute mal ses obligations si l'inexécution ou la mauvaise exécution n'entraîne pas de préjudices pour le locataire. [...]
[...] La solution a été reprise dans un arrêt de la 3e chambre civile en date du 4 mars 1987. La même solution avait été donnée à propos d'un office HLM à l'égard d'un locataire pour troubles de jouissance - arrêt de la 3e chambre civile en date du 16 novembre 1994. Cette solution s'explique puisque le bailleur qui a connaissance de troubles réalisés par un locataire peut les faire cesser, il peut intervenir contre le colocataire qui crée le trouble puisqu'il est lié à un lui par un contrat. [...]
[...] Elle doit en outre déterminer les conditions de l'obligation de garantie du bailleur à l'égard du fait des colocataires. La Cour de cassation considère que le second moyen qui concerne la privation de la jouissance d'une partie des locaux n'est pas fondé, elle confirme le jugement de la Cour d'appel qui relevait qu'un élément manquait pour engager la responsabilité de la bailleresse: le préjudice subi. En revanche, elle casse et annule la décision de la Cour d'appel de Rouen en ce qu'elle déboute les preneurs de leur demande de résiliation du bail du fait des troubles anormaux de voisinage causés par un colocataire. [...]
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