Si l'obligation est considérée comme un lien entre deux personnes, elle ne peut être transmise, elle ne peut circuler. Les choses ont cependant évolué : l'obligation est considérée comme un bien, un élément du patrimoine pouvant faire l'objet d'une transmission, traduisant ainsi la patrimonialisation des obligations. Le lien d'obligation n'a toutefois pas disparu : l'obligation est non seulement perçue comme une valeur, mais aussi comme un lien. Elle peut ainsi circuler du fait d'une intention libérale, mais la créance peut aussi jouer le rôle d'un instrument de paiement ou de garantie. Les parties disposent de nombreuses techniques pour ce faire, outils neutres en ce sens qu'ils permettent de réaliser des buts différents.
L'arrêt rendu le 12 juillet 1995 par la Troisième chambre civile de la Cour de cassation a trait à l'un des modes de circulation de l'obligation par voie de transmission originaire : la cession de créances.
[...] Cela lui permet également d'éviter tout concours avec d'autres créanciers, seraient-ils privilégiés, car si le cédé ne peut invoquer la compensation, il serait dans l'obligation de payer sa dette envers le cessionnaire et de chercher le paiement de sa propre créance auprès du créancier originaire, au risque de le voir en situation de défaillance. En l'espèce le problème ne se pose pas dans la mesure où les cédés ont déjà reçu paiement de leur créance par les cédants. La connexité permet donc de faire jouer la compensation alors même que les deux créances n'étaient pas encore liquides et exigibles : le juge va alors parfaire la ou les créances en leur conférant ces caractères. [...]
[...] Quelle que soit la manière dont cette solution peut être appréciée, et même s'il est critiquable que le cessionnaire ait en l'espèce été privé de la possibilité d'apprécier les risques encourus, cet arrêt fait foi de la grande souplesse de la jurisprudence. Cette dernière, en dépit du fait que des principes clairs puissent être expressément posés par la loi, est en mesure de s'adapter à toute situation en dérogeant de manière spectaculaire aux dispositions législatives afin de prendre position sur des situations de conflits d'intérêts, de sorte à rétablir l'équité. [...]
[...] De plus, les créances doivent être liquides et certaines, c'est-à-dire déterminées dans leur montant, ou du moins le titre doit comporter tous les éléments permettant leur évaluation, et elles ne doivent pas faire l'objet d'une contestation sérieuse. Les créances doivent enfin être exigibles : un débiteur ne peut pas échapper à son obligation de payer une créance exigible en invoquant à l'encontre de son créancier une créance qui ne le serait pas. En l'espèce, la fongibilité des créances ne fait aucun doute : à raison de l'inexécution du contrat conclu entre les époux Grasset et Scherer, les vendeurs sont redevables d'une indemnité envers les acquéreurs, payable en somme d'argent, les acquéreurs étant quant à eux redevables du restant du prix de la vente, des travaux supplémentaires et de la clause pénale stipulée. [...]
[...] En revanche, la connexité ne lui permet pas d'écarter la condition de certitude de la créance : l'opération ne peut pas jouer si l'une des créances est incertaine. En l'espèce, M. Guillemot, cessionnaire, se prévaut de l'incertitude de la créance des époux Scherer à l'encontre de leurs auteurs. Or si la Cour de cassation reconnaît aux cédés la faculté de se prévaloir de la compensation, c'est parce que cette créance, bien qu'établie tardivement, est certaine en son principe. Cette solution admettant une créance certaine en son principe résulte d'un arrêt rendu le 25 juin 1980. [...]
[...] La créance d'indemnités naît au jour du préjudice, mais leur montant n'est fixé qu'au jour du jugement de condamnation des vendeurs intervenu le 17 novembre 1989, soit quatre ans après la signification de la cession de créance aux époux Scherer. C'est également à compter de cette date que les époux Scherer étaient en mesure d'exiger le paiement incontestable qui leur était dû. Puis, du fait de la cession de créance notifiée aux cédés en 1985, la condition de réciprocité disparaît dans la mesure où la créance est sortie du patrimoine des vendeurs. [...]
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