Contrat permettant de répartir entre propriétaire et locataire les « utilités et les charges d'une chose », le bail se distingue d'autres conventions permettant à un autre que le propriétaire d'user d'un bien contre paiement d'un prix.
Par un arrêt du 11 janvier 2006, la 3e chambre de la Cour de cassation se voit alors confrontée à un problème de qualification contractuelle.
Ainsi, une société d'exploitation de thalassothérapie a consenti annuellement à un enseignant en gymnastique à titre libéral la « mise à disposition » à titre onéreux d'une piscine et de vestiaires. La société ayant décidé de mettre fin à cette convention unilatéralement, l'enseignant a alors assigné celle-ci en dommages et intérêts afin d'obtenir réparation de son préjudice.
Après avoir été débouté de sa demande en première instance, il fait appel de cette décision et à cette occasion, demande la requalification du contrat en bail professionnel. La question qui se pose à la Cour est de savoir si le présent contrat peut être qualifié de bail. L'absence de libre disposition à usage exclusif de la chose objet du contrat, empêche-t-elle la qualification de bail ?
[...] Ainsi, l'arrêt de la 2e chambre civile du 21 mai 1970 est venu donner une définition de la jouissance. L'on se demandait alors dans quelle mesure pouvait être recherchée la responsabilité du gardien d'une chose et plus exactement quels étaient les éléments caractéristiques de la jouissance. La Haute Cour a alors estimé que le gardien se devait d'avoir la libre disposition pour son usage exclusif de la chose sous peine de n'en être qu'un simple détenteur précaire. Déjà en 1970, la Cour de cassation avait alors estimé que libre disposition et usage exclusif de la chose étaient indispensables pour pouvoir invoquer la jouissance. [...]
[...] On peut tout d'abord considérer que la Cour de cassation, par son silence, a signifié son accord avec les juges du fond. Une telle interprétation peut paraître probable en cela qu'une convention d'occupation précaire est normalement caractérisée par la précarité attachée à la qualité du preneur qui peut se voir obliger de quitter le local à tout moment, sur simple décision du bailleur par exemple. Or, c'est semble-t-il, la situation qui a justement amené le requérant à demander la requalification de son contrat en bail professionnel. [...]
[...] Cependant, peut- être faut-il encore considérer que cette qualité ne faisant pas défaut, les juges de cassation n'ont pas voulu s'y attarder. Le pourvoi développe le fait que l'article 1709 précité, ou même l'article 57-A de la loi du 23 décembre 1986 ne font absolument pas référence aux notions de libre disposition et d'usage exclusif de la chose louée. La Haute juridiction avait même jugé que l'article 1709 n'exigeait pas que la jouissance du preneur soit exclusive (Cass. soc juin 1960 ou Cass. [...]
[...] La conséquence la plus importante de la qualification de bail professionnel réside alors dans le fait qu'un tel contrat interdit au bailleur de donner congé à son preneur de manière imprévue et sans délai de préavis, ce qui semble être le cas en l'espèce. Ainsi, l'on comprend que le requérant qui s'est vu informer qu'il devait cesser ses activités avait grand intérêt à voir la convention requalifiée en bail professionnel afin, soit de pouvoir continuer à bénéficier du contrat, soit de toucher des dommages et intérêts du fait du comportement de son cocontractant. [...]
[...] Plus proche de la réalité jurisprudentielle que celle de l'article 1709 du Code civil, cette définition doctrinale permet d'appréhender ce que la Cour de cassation entend par un tel contrat. La Cour se base alors, comme nous l'avons précédemment évoqué, sur une définition restrictive de la jouissance pour qualifier ou non, une convention de bail. Si la Haute Cour ne révèle pas les conséquences du rejet du pourvoi, celles- ci sont pourtant bel et bien considérables. En effet, si l'enseignant a demandé en appel, la requalification du contrat passé avec le propriétaire de la piscine en bail professionnel, c'est parce que l'aboutissement d'une telle demande aurait eu pour lui des conséquences avantageuses. [...]
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