Tribunal des conflits 16 octobre 2006, arrêt Caisse centrale de réassurance, MAF mutuelle des architectes de France, nature juridique d'un contrat, EPIC établissement public à caractère industriel et commercial, loi n 92-665 du 16 juillet 1992, arrêt Rispal, arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges, commentaire d'arrêt
L'articulation du critère organique et du critère relatif à l'objet du contrat, dans la détermination de la nature juridique d'un contrat, résulte d'une jurisprudence complexe du Conseil d'État et du Tribunal des conflits. La complexité est d'autant plus grande lorsque la mise en oeuvre du critère organique se heurte à la transformation après la conclusion du contrat à une transformation de la nature juridique de l'un des contractants : confronté à l'ensemble de ces difficultés, le Tribunal des conflits rend une décision pédagogique se prononçant sur ces questions, le 16 octobre 2006.
En l'espèce, le litige est relatif à l'exécution d'une convention conclue entre une mutuelle d'assurances et une société de réassurance, qui à l'époque où le Tribunal des conflits statue, sont deux personnes privées. Précisément, cette mutuelle était insatisfaite du montant pris en charge par cette société de réassurance en vue de l'indemnisation d'un sinistre dont l'un de ses assurés était responsable. Après mise en oeuvre d'une clause compromissoire, un tribunal arbitral se prononce sur ce litige ; la licéité de cette clause étant contestée par la société de réassurance, elle saisit à ce titre le Conseil d'État d'un appel contre le jugement du tribunal précité.
[...] La question se pose toutefois de la détermination de celle de la Caisse centrale de réassurance (CCR). Celle-ci, selon le Tribunal des Conflits, tient « de la loi » sa qualité d'EPIC (établissement public à caractère industriel et commercial). Cette loi, relevée par la doctrine, mais pas par le Tribunal dans sa décision, est une loi n° 46-835 du 25 avril 1946. Certes, comme le relève un auteur (B. Delaunay, RFDA 2 007 290), la version actuelle de cette loi ne comporte plus le nom de cette caisse, privatisée entre temps (cf. [...]
[...] Dans notre cas d'espèce, toutefois, la jurisprudence appliquée était claire, une fois la date d'appréciation déterminée. La conciliation classique du critère organique et du critère tiré de l'objet du contrat Appliquée en l'espèce, la solution conduit à ne tenir compte que de la qualité première de personne publique de la CCR. Elle est donc considérée comme une personne publique, puisqu'elle l'était au moment de la conclusion du contrat. Reste que le critère organique est nécessaire, mais non suffisant à déterminer la nature juridique d'un contrat conclu entre une personne privée et une personne publique. [...]
[...] Toutefois, relevant le fait que la personne publique constituait en réalité un établissement public à caractère industriel et commercial, elle applique sa jurisprudence classique, d'où elle déduit que ne comportant « aucune clause exorbitante du droit commun » et se rattachant « aux missions industrielles et commerciales confiées à la CCR », elle « constitue une convention de droit privé ». Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal des conflits a dû successivement procéder à la détermination de la nature juridique des signataires du contrat puis de la convention elle-même (II). La détermination de la nature juridique des signataires du contrat Le critère organique était en l'espèce difficile à utiliser dans la mesure où l'un des contractants avait changé de nature juridique après la conclusion du contrat. [...]
[...] Toutefois, l'emploi de ce critère organique est complexifié du fait du changement de nature de l'entité publique, la Caisse centrale de réassurance. A. La nature de l'entité transformée L'intérêt de l'arrêt résidait en effet dans le fait que le critère organique ne permettait pas d'aboutir à un résultat clair, car la Caisse centrale de réassurance, personne publique, avait été privatisée. Contrairement à la loi précédente, la loi procédant à cette privatisation est bien mentionnée par le Tribunal des conflits : il s'agit de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992, laquelle prévoit en son article 11 que la Caisse centrale de réassurance, qui constituait auparavant un EPIC, « apportera à une société anonyme créée à cet effet, également dénommée Caisse centrale de réassurance, appartenant au secteur public, l'ensemble des droits, biens et obligations attachés à son activité ». [...]
[...] Au moment même de la conclusion du contrat, la Caisse centrale de réassurance était donc une personne publique par détermination de la loi. Or le résultat de l'emploi du critère organique, qui domine depuis longtemps la jurisprudence relative à la détermination de la nature d'un contrat, change si le contrat est passé entre une personne privée et une personne publique. En ce cas, aucune présomption d'aucune sorte ne s'applique, ni en faveur de la nature de droit privé ou de droit administratif d'un tel contrat. [...]
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