Par contrats conclus les 29 décembre 1987 et 3 février 1989, la cliente d'un établissement bancaire a loué deux chambres fortes à celui-ci pour une durée indéterminée. Les contrats prévoyaient la fixation du prix par la banque à chaque nouvelle période de location. Ces contrats étaient résiliables à tout moment par l'une des parties, sous préavis minimum d'un mois (...)
[...] Il est aisé de déduire que la 1ère chambre civile en rendant cet arrêt avait intimement conviction d'établir pour de bon le principe de libre fixation unilatérale du prix. La seconde vocation de cet arrêt en ce qui concerne sa continuité avec la jurisprudence de 1995, c'est que l'on peut observer que la Cour de cassation étend ici le principe dégagé par l'assemblée plénière à un cas différent: le contrat de bail, plus précisément, de location de coffre fort. D'où une vague impression que la confirmation de la solution de 1995 ne pourrait être qu'un prétexte pour étendre à l'espèce de 2004, à un cas différent, un raisonnement jugé opportun ou encore une jurisprudence méritant d'être établie et étendue. [...]
[...] En effet, et après une longue histoire jurisprudentielle, le régime concernant le cas précité fut finalement fixé par l'assemblée plénière de la Cour de cassation le 1er décembre 1995, qui conclut à la non applicabilité de l'article 1129 au prix: en conséquence, le prix peut être fixé par l'une des parties en cours d'exécution du contrat, sous réserve qu'elle n'abuse pas de ce droit. Cet abus dans la fixation des prix est le garde fou placé par cette jurisprudence, qui entraînera la résiliation du contrat et potentiellement des dommages et intérêts. La jurisprudence semble donc enfin avoir statué sur ce cas de figure, puisque l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 30 juin 2004, qui nous intéresse ici, semble non seulement confirmer mais aussi compléter la jurisprudence de 1995. [...]
[...] En conséquence, cette dernière ne retient pas l'absence de motivation de l'augmentation unilatérale du prix comme caractérisation de l'abus de droit. Dès lors, on peut voir que la cour de cassation semble refuser de sanctionner un prix unilatéral excessif ou abusif comme c'est le cas en l'espèce, mais bien un comportement fautif comme on peut le retrouver dans certains autres régimes du droit civil: en d'autres termes, peu importe que la banque ait ici pratiqué de nouveaux tarifs excessivement chers et de surcroît dénués de motivation, tant que les circonstances dans lesquelles elle l'a fait sont restées respectueuses du cocontractant: même si l'aspect respectueux est discutable ici, il n'en reste pas moins que la cliente disposait effectivement d'une liberté de s'adresser à la concurrence et disposait surtout d'un délai plus que raisonnable pour le faire. [...]
[...] Pour cette raison, l'exigence de détermination de l'objet est une condition essentielle de la formation de la convention, une "nécessité structurelle du contrat" selon les termes de J. Ghestin ( la formation du contrat En effet, la loi prévoit au terme de l'article 1129 du Code civil que l'obligation doit avoir pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce. Cette disposition est complétée par un second alinéa, qui dispose que la quotité de la chose peut être incertaine, tant qu'elle puisse être déterminée. [...]
[...] Comment ne pas, dès lors, parler d'une réelle faiblesse de l'une des parties en comparaison de celle qui fixe unilatéralement les prix ? Le fait d'écarter l'absence de motivation précité du domaine de l'abus de droit n'est qu'un argument supplémentaire au mirage de la liberté contractuelle, qui n'est autre, en l'espèce, qu'une relation de dépendance de la partie lésée par ce qui est - si ce n'est ici de droit - de fait un abus manifeste de la banque, qui pratique non seulement une augmentation de 150% tout en mentant sur les raisons de cette dernière. [...]
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