Par un arrêt en date du 7 octobre 1998, la première chambre civile de la cour de cassation opère un revirement de jurisprudence au sujet des conditions juridiques d'annulation en raison d'une cause illicite.
En l'espèce, un époux par acte sous seing privé a reconnu devoir à son épouse une somme remboursable avec un préavis de trois mois.
Après leur divorce, les ex-époux signent un acte au terme duquel le prêt dû par l'ex-mari serait remboursable sous forme d'une augmentation de la pension alimentaire due mensuellement par l'ex-mari. Quelques années plus tard, l'ex-épouse assigne son ex-mari en remboursement du solde du prêt.
La cour d'appel par un arrêt en date 23 février 1996 a fait droit à sa demande en prononçant la nullité du contrat pour cause illicite, le but recherché étant la reconduction de sa charge fiscale par l'augmentation du taux de la pension alimentaire due à son ex-épouse.
Se pose la question de savoir si la nullité d'un contrat pour cause illicite peut être prononcée alors que les deux parties n'ont pas connaissance du motif déterminant du contrat. La Cour de cassation casse l'arrêt rendu par la cour d'appel au motif que peut être annulé pour cause illicite ou immorale un contrat alors même que les parties n'avaient pas connaissance du caractère illicite du motif déterminant de la cause du contrat.
[...] De plus, ici le propriétaire aurait pu intenter une action en résolution du contrat pour mauvais usage du bien par application de l'article 1728 du Code civil. Lorsque le plaideur ne dispose d'aucun autre moyen que la théorie de la cause du contrat, cette solution peut s'avérer injuste si celui-ci est innocent. Ainsi, pour pallier cette injustice, la jurisprudence a élargi la notion de connaissance commune de la cause, notamment dans un arrêt du 12 juillet 1989, qui tout en conservant cette condition de connaissance commune, l'a simplement déduite des circonstances de fait. [...]
[...] Enfin, la solution de la Cour de cassation apparaît discutable en ce qu'elle ne détermine pas clairement en quoi le motif illicite était réellement le motif déterminant de la cause. La notion de motif déterminant mise à mal par la solution? Un motif accessoire ne saurait justifier l'annulation du contrat pour illicéité de la cause. Ceci constitue une condition sine qua non de reconnaissance de la nullité que l'on retrouve dans certains arrêts comme un arrêt du 2 décembre 1945, selon lequel le motif déterminant doit être la «cause impulsive et déterminante». Qu'en est-il de la recherche du motif déterminant en l'espèce. [...]
[...] De ce fait, la solution adoptée par la Cour de cassation permet à l'article 1133 de déployer la plénitude de ses effets. Pour Guestin, seule la protection de l'intérêt général est à prendre en considération et non pas le caractère irréprochable du contractant lésé par l'action en nullité du contrat. Mais il tend à nuancer cette position quant à la restitution intervenant après le prononcé de la nullité. Par ailleurs, la solution peut trouver sa justification non seulement par une position de principe, mais également au regard de l'espèce, qui peut amener par la suite à une généralisation. [...]
[...] Cette restriction de la possibilité d'action laissée au seul contractant exempt de faute se révèlerait être la solution la mieux adaptée à la protection de celui-ci. Il reste que cette restriction ne prend pas en compte la préservation de l'intérêt général dans la mesure où dès le moment où l'action du contractant est paralysée, l'acte dont la cause est illicite n'est pas anéanti et conserve donc son caractère illicite. Pour Guestin, cette concession n'est pas acceptable et ainsi, il préconise l'annulation systématique de tout contrat pour motif illicite et n'envisage la protection du contractant de bonne foi qu'au moment des restitutions. [...]
[...] Il s'agira dans une première partie d'envisager comment la Cour de cassation procède à l'abandon de la condition de connaissance commune du motif illicite puis dans une seconde partie il conviendra d'évoquer en quoi l'arrêt opère une remise en cause discutable des conditions d'annulation d'un contrat en raison d'une cause illicite. L'abandon de la condition de connaissance commune du motif illicite La Cour de cassation tranche avec la jurisprudence antérieure en rejetant l'obligation que le motif illicite soit entré dans le champ contractuel et qui a modifié les conditions de l'action pou cause illicite pour des motifs d'intérêts généraux rejet de l'exigence d'une complicité conçu comme garantie de la stabilité des contrats Par cet arrêt, la Cour de cassation rejette la conception selon laquelle l'action en nullité pour motif illicite n'est possible que dans la mesure où les deux contractants avaient connaissance du caractère illicite du motif déterminant. [...]
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